Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PROPHÉTISME

Le prophétisme sécularisé

L'expression de prophétisme sécularisé ne désigne pas les anticipations des futurologues ni les pronostics incertains d'écrivains tels qu'Oswald Spengler. Si l'on qualifie souvent les uns et les autres de prophètes, ce n'est que selon une acception corrompue et équivoque. Mais il reste à caractériser les espoirs eschatologiques informels qui agitèrent les masses influencées par les idéologies et les rêveries utopiques. L'idée révolutionnaire a récupéré le prophétisme en le sécularisant, sinon en le désacralisant, au moment même où l'on assistait à un déclin de la ferveur religieuse. Cette transposition s'est opérée principalement sous l'action des philosophies de l'histoire qui, sur la base d'un déterminisme pseudo-scientifique, prétendaient pouvoir définir l'orientation inévitable de la société future. Sans doute, certains traits du prophétisme classique s'effaçaient-ils, telles les idées de transcendance et de vocation individuelle, mais la plupart des autres subsistaient ; charisme du chef (culte de la personnalité) ; dévotion des fidèles ou partisans dans l'attente de la nouvelle ère promise ; insistance sur des fins eschatologiques d'une égalité effective, d'une justice réalisée ou d'un bonheur assuré ; escapisme, ou évasion dans l'utopie de la société nouvelle ; aliénation de l'autonomie personnelle et du jugement critique par soumission inconditionnelle au mouvement ou au parti, porteur de l'espérance. Max Weber insistait sur les rapports entre le style d'un certain prophétisme et la démagogie. En ce qui concerne les idéologues totalitaires, il faudrait parler plutôt d'affinité.

Cette permanence du prophétisme, même en l'absence de toute révélation, répond toujours au même sentiment : la peur et, surtout de nos jours, l'angoisse devant l'avenir. Le prophétisme a un effet sécurisant.

— Julien FREUND

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite à l'université des sciences humaines de Strasbourg.

Classification

Autres références

  • ABRABANEL (1437-1509)

    • Écrit par
    • 912 mots

    Le conflit entre les théories philosophiques universalistes et un attachement plus proprement religieux à la tradition existait depuis plus de deux siècles chez les penseurs juifs. La philosophie sous sa forme averroïste admettait généralement que la vérité philosophique ne différait de la vérité...

  • AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Religions

    • Écrit par
    • 9 619 mots
    • 1 média
    ...l'hégémonie blanche, restent assez proches du protestantisme et du christianisme auxquels elles demeurent explicitement attachées. Il n'en est pas de même des mouvements prophétiques qui se sont développés depuis le début du siècle et ont joué un très grand rôle dans les mouvements de lutte pour l'indépendance....
  • BAHĀ'ISME

    • Écrit par
    • 662 mots

    Le bahā'isme est la religion fondée par Mirzā Hoseyn ‘Ali Nuri, connu sous le nom de Bahā Allāh (Gloire ou Splendeur de Dieu, 1817-1892). Originaire d'une famille noble du Māzandarān, il fut parmi les premiers disciples de ‘Ali Mohammad, dit le Bāb (exécuté en 1850). Tourné très tôt vers la vie...

  • BIBLE - Les livres de la Bible

    • Écrit par
    • 7 687 mots
    • 4 médias
    Un esprit similaire anime la prédication des deux premiers « prophètes écrivains ». Si celle d'Amos, le Judéen (750 av. J.-C.), n'a pas de lien direct avec le Nord, où cependant il exerça sa prédication rude et populaire, au point que son influence se retrouvera seulement quelques décennies...
  • Afficher les 22 références