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PROPORTION

Le terme proportion désigne un concept mathématique qui appartient à l'héritage grec et dont l'application s'étend à tous les savoirs quantifiables. « Cette partie, écrivait justement le père J. Prestet dans ses Élémens de mathématiques (1675), est si vaste, si féconde et ses usages ont une telle étendue dans la plupart des sciences qu'il n'y en a peu qui puisse estre expliquée sans elle. » En fait, ce concept dégénère souvent dans le langage commun, et le prestige de sa fécondité dans les sciences mathématisables l'a parfois fait utiliser présomptueusement dans certaines théorisations. Tel est bien le cas des esthétiques mathématiques dont on s'occupera principalement dans la première partie de cet article, la notion de proportion en architecture étant l'objet de la seconde.

— Jacques GUILLERME

L'ouvrage bibliographique publié par Hermann Graf en 1958 contient deux cents titres portant sur la proportion. Même si l'on était convaincu, comme certains architectes, qu'il s'agit là d'un débat purement académique, il n'en reste pas moins un problème, celui d'expliquer la patience des uns à chercher le secret de beauté des édifices antiques dans des tracés régulateurs, la fébrilité des autres à sous-tendre l'aspect de leurs projets par une règle (« le choix d'un tracé régulateur est un des moments décisifs de l'inspiration, l'une des opérations capitales de l'architecture » a écrit Le Corbusier) ; il faudrait même expliquer l'ardeur de ceux qui – comme Claude Perrault, l'architecte de la colonnade du Louvre – veulent nier l'intérêt de la proportion en architecture en raison des déformations optiques que le point de vue changeant des spectateurs fait subir à la réalité géométrale du projet et auxquelles Vitruve apporte ces corrections qu'il nomme « temperaturae ». Une phénoménologie de la proportion pourrait donc s'envisager ou encore une psychanalyse de ce désir de forcer les bâtisses à livrer le secret d'une beauté divinement tacite. Mais cela risquerait de nous mener hors de l'architecture. Il nous importera plutôt ici de cerner la proportion comme concept spécifiquement architectural, de lui donner un sens architecturologique plutôt que de l'approcher d'une manière phénoménologique, psychanalytique, ethnologique ou historique. Le problème majeur est alors surtout de distinguer la proportion architecturale de la proportion mathématique ou de la proportion musicale avec lesquelles elle est encore en confusion historique et épistémologique. Cherchant à construire un concept entrant dans un système de connaissance scientifique de l'architecture, on s'apercevra que celui de proportion ne peut être éclairé que par un autre concept qui lui est extérieur et l'englobe, celui d'échelle. Dans l'histoire de l'architecture, la notion d'échelle fait son apparition significativement au xixe siècle. Si elle commence à prendre corps et à devenir une réalité pratique dans le Modulor de Le Corbusier, dernier en date des systèmes de proportions, il reste à donner à cette notion le statut de concept dans une théorie scientifique de l'architecture.

La proportion comme principe esthétique

La définition et l'usage

En toute rigueur, conformément à Euclide, la proportion, c'est l'équivalence de deux rapports entre des grandeurs homogènes ; elle est donc composée essentiellement de quatre termes : le second et le troisième sont dits moyens par opposition aux extrêmes. Quand les deux moyens sont égaux la proportion n'offre plus que trois termes dont la séquence engendre une progression. Les mathématiciens grecs ont défini et classé des relations dont l'ensemble constitue la théorie des médiétés. Archytas fait état de[...]

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