Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PROPORTION

Architecture, proportion et échelle

La proportion architecturale analogique des proportions mathématique et musicale

Pour Vitruve, premier théoricien de l'architecture, celle-ci est une science. Certes la pensée de Vitruve est éloignée du statut scientifique que l'épistémologie moderne confère aux diverses sciences ; déjà Newton s'étonnait de l'incompréhension totale qu'il avait du discours de Vitruve et pensait que tous les mots que celui-ci utilisait avaient changé de sens (P. Schoffield). Aussi la lecture des passages des Dix Livres d'architecture concernant la proportion ne donne-t-elle pas au lecteur contemporain un grand sentiment de clarté : « La proportion est le rapport que toute l'œuvre a avec ses parties, et celui qu'elles ont séparément, comparativement au tout, suivant la mesure d'une certaine partie. Car de même que, dans le corps humain, il y a un rapport entre le coude, le pied et la paume de la main, le doigt et les autres parties, ainsi dans les ouvrages qui ont atteint la perfection, un membre en particulier fait juger de la grandeur de toute l'œuvre [...]. L'ordonnance d'un édifice consiste dans la proportion qui doit être soigneusement observée par les architectes. Or la proportion dépend du rapport, que les Grecs appellent analogie ; et par rapport il faut entendre la subordination des mesures au module dans tout l'ensemble de l'ouvrage, ce par quoi toutes les proportions sont réglées ; car jamais bâtiment ne pourra être bien ordonné, s'il n'a cette proportion et ce rapport et si toutes les parties ne sont, les unes par rapport aux autres, comme le sont celles du corps d'un homme bien formé. » Mais si l'architecture peut être objet de science, le premier problème de cette science est de trouver cet objet. En attendant, la proportion n'est en architecture qu'une notion qui procède par analogie, ce que montrent le « de même que » et le « comme » de Vitruve, analogie avec la proportion musicale, analogie avec la proportion du corps humain.

C'est cette analogie qui opère lorsque les architectes de la Renaissance italienne transposent à l'espace les vertus harmonieuses et bienfaisantes des proportions musicales : Francesco di Giorgio, expert musical, est appelé pour juger de la qualité des dimensions de certains projets architecturaux et Alberti écrit : « Les proportions par lesquelles l'harmonie des sons touche notre oreille sont exactement les mêmes qui plaisent à nos yeux et à notre esprit ». (Rudolf Wittkower). Ici encore la proportion réside moins dans les proportions mathématiques qui fixent les longueurs suivant lesquelles les cordes vibrent harmonieusement, ou encore les proportions des dimensions que Palladio donne aux diverses parties de ses villas, que dans la pensée analogique du même. Aujourd'hui encore il est significatif que Xenakis, musicien et architecte, qui a travaillé notamment chez Le Corbusier au Modulor et à son « mur musical », écrive à propos de sa conception du pavillon Philipps à l'Exposition de Bruxelles : « Mes propres recherches musicales sur les sons à variation continue en fonction du temps me faisaient pencher pour des structures géométriques à base de droites. » L'architecture n'étant pas séparée comme spécificité dans les discours théoriques des architectes, la proportion relève à chaque époque de l'idéologie ou du système de pensée régnant et peut s'étudier dans son développement ainsi qu'il apparaît dans les travaux de Wittkower et de Panofsky. Ainsi, la pensée humaniste de la Renaissance est, selon Wittkower, déterminante pour la conception de l'architecture de cette époque. L'homme est à l'image de Dieu et en proportion avec lui. Par l'intermédiaire de l'esthétique musicale, l'architecte de la Renaissance utilise les propriétés mathématiques des rapports de rapports, analogie[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • ANATOMIE ARTISTIQUE

    • Écrit par
    • 8 926 mots
    • 7 médias
    Qui dit modèle invoque une théorie des proportions. Mais on ne saurait en donner l'explication sans distinguer divers champs d'opérations.
  • ANTHROPOMORPHIQUE ARCHITECTURE

    • Écrit par
    • 1 060 mots

    De tout temps les architectes ont senti qu'il existait des affinités autres que d'usage entre les édifices et les hommes. La critique architecturale l'exprime confusément qui parle de l'ossature, des membres, de la tête ou de l'épiderme d'une construction. Mais cette impression...

  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Notions essentielles

    • Écrit par
    • 4 952 mots
    ...Vitruve, les architectes de la Renaissance et de l'Âge classique ont privilégié par exemple les références anthropomorphiques ainsi que la recherche de rapports de proportionnalité entre les différentes parties de leurs constructions. Selon eux, la beauté des édifices s'enracinait dans un ensemble aussi...
  • ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Architecture et philosophie

    • Écrit par
    • 5 459 mots
    « Harmonieux », l'édifice doit être selon Vitruve en ce qu'une unité est censée s'y répartir également partout, grâce à la proportio et à la symmetria, donc grâce à un calcul effectué à partir de l'un des éléments de l'ensemble, qui sert de module (modulus). La co-modulatio...
  • Afficher les 22 références