PROPOSITION, philosophie
Il convient d'abord de distinguer la phrase, le jugement, l'énoncé et la proposition. La phrase est une entité linguistique, soumise à des règles grammaticales, qui assurent sa correction, et à d'éventuels critères stylistiques ; on considère qu'elle exprime un jugement ou un énoncé ; elle est susceptible d'être proférée verbalement par un individu, ou d'être écrite, d'être répétée, c'est-à-dire d'avoir plusieurs occurrences. Le jugement est une entité mixte dans laquelle l'aspect psychologique et décisoire est prépondérant (le terme est d'origine juridique) : c'est à la fois l'acte du sujet, qui asserte un énoncé comme vrai ou faux, et l'expression de cet acte ; le jugement est susceptible de modalités. Un énoncé peut être déclaratif (à l'indicatif), exclamatif, exhortatif, impératif. La proposition est un énoncé : déclaratif, donc susceptible d'être vrai ou faux ; vrai ou faux indépendamment de toute référence au contexte, au locuteur, au moment et au lieu de l'énonciation. La proposition est le seul objet du logicien (comme le montrent W. V. O. Quine dans Logique élémentaire et W. M. Kneale dans A History of Logic).
Les propositions donnent lieu à un calcul appelé calcul des propositions (et parfois théorie des fonctions de vérité). Il est la partie la plus élémentaire de la logique, mais aussi celle qui a été constituée le plus tard (première moitié du xxe siècle). Il considère les propositions (moléculaires) composées d'autres propositions (atomiques) à partir de connecteurs propositionnels (conjonction, disjonction, implication, équivalence), et calcule la valeur de vérité des premières comme étant directement fonction des valeurs de vérité des secondes.
La proposition est susceptible d'une analyse (logique des propositions analysées, ou calcul des prédicats). La notion de fonction propositionnelle est ici fondamentale : Frege en construit le concept comme d'une fonction susceptible d'être saturée par un ou plusieurs arguments ; pour Russell et Whitehead, dans les Principia Mathematica (1903), la notion de fonction propositionnelle fait partie des sept constantes logiques nécessaires au développement des mathématiques. Ils l'expliquent ainsi : « fx est une fonction propositionnelle si, pour chaque valeur de x, fx est une proposition déterminée dès que x est donné. » Par exemple, « être vert de x » devient une proposition vraie si je substitue à x le nom d'un arbre tel que le houx, le hêtre, ou tout arbre de mon choix qui soit vert, et devient une proposition fausse si je substitue à x la muleta du torero, ou tout autre objet non vert. « Être plus grand » pour x et y (soit x Pierre, y Paul, et la proposition : Pierre est plus grand que Paul) met en jeu non plus un prédicat simple (être vert) mais une relation (ici une relation d'ordre) qui porte sur deux termes. La notion de fonction propositionnelle a permis d'unifier la classe des prédicats monadiques (à une place) et la classe des relations, ou prédicats polyadiques (à plusieurs places). Sur le plan linguistique, É. Benveniste (Problèmes de linguistique générale) estime que la fonction propositionnelle est « le modèle de la relation intégrante par excellence et [que] ce patron d'analyse peut être employé à tous les niveaux de la linguistique (phonème, morphème, phrase) ». Enfin, la fonction propositionnelle fournit un principe d'explication de la fécondité du langage humain. Le locuteur qui substitue un mot à un autre (selon l'axe paradigmatique) traite ces mots comme les valeurs d'une variable et traite le reste de la phrase comme une fonction propositionnelle.
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Écrit par
- Françoise ARMENGAUD : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes
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