PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE
Protéger le droit d' auteur et les intérêts pécuniaires des écrivains ou des artistes ne fut jamais pris en compte pendant plus de deux millénaires. Si avec l'apparition de l' imprimerie tous les pouvoirs décidèrent d'instaurer une haute surveillance sur le risque séditieux des œuvres de l'esprit en imposant aux imprimeurs-libraires, mais à leur seul bénéfice, des « privilèges d'imprimer », ce fut sans pour autant se soucier de la condition des auteurs. Et cela sans parvenir à endiguer les éditions pirates ; ce mal sévit encore davantage aujourd'hui.
Les premiers dispositifs de protection juridique
La première loi véritablement fondatrice du droit d'auteur est le Statute of Anne, votée, en Angleterre, par la Chambre des communes en 1709. Elle reconnaissait à l'auteur d'ouvrages déjà édités « le droit exclusif de les imprimer à nouveau pendant une durée de vingt et un ans ». Autres pays précurseurs, la Norvège et le Danemark (1741), puis l'Espagne (1762) furent parmi les premières nations à protéger les droits de leurs auteurs.
En France, tout en acceptant la réglementation royale des privilèges, Diderot posa, en 1767, les jalons d'une reconnaissance du droit de l'auteur : « Quel est le bien qui puisse appartenir à un homme, si un ouvrage d'esprit [...], la portion de lui-même la plus précieuse, celle qui ne périt point, celle qui l'immortalise, ne lui appartient pas ? » En 1777, des arrêts du Conseil du roi édictent pour la première fois les privilèges des auteurs auxquels est accordé un droit de propriété tendant à prendre le pas sur les acquis (à double tranchant) du « libraire-éditeur » ; ceux-ci avaient prévalu pendant près de trois siècles.
Aux États-Unis, la législation fédérale de mai 1790 en matière de copyright précédera de peu deux décrets de l'Assemblée révolutionnaire française : voté en janvier 1791, le premier concerna le droit de représentation des spectacles. Quant au second (juillet 1793), il devait innover en adoptant, pour la première fois, les termes de « propriété littéraire et artistique » et énoncer ce qui deviendra la base de la législation française : « Les auteurs d'écrits en tout genre, les compositeurs, les peintres et les dessinateurs qui font graver les tableaux et dessins jouiront leur vie entière du droit exclusif de vendre, faire vendre, distribuer leurs ouvrages dans tout le territoire de la République et d'en céder la propriété en tout ou partie. » L'article 2 de la loi étendit aux héritiers et cessionnaires un même droit « durant l'espace de dix ans après la mort des auteurs ».
En France, d'autres lois nous rapprochèrent de l'état de droit positif contemporain. Celle du 14 juillet 1866 porta le délai de protection post mortem à cinquante ans (terme au-delà duquel l'œuvre tombe dans le « domaine public »), et elle fit bénéficier le conjoint des intérêts patrimoniaux et du droit moral. Celle du 11 mars 1902 établit qu'une œuvre est protégée quel que soit son mérite ou sa destination, aucun critère d'ordre esthétique ou autre n'étant opposable. En 1910, la loi du 9 avril protégea les reproductions des œuvres d'art, et celle du 29 mai supprima la nécessité de déposer à la Bibliothèque nationale deux exemplaires de l'œuvre pour bénéficier de la protection, mesure qui datait de François Ier.
L'adhésion de la France à la Convention de Berne en 1886 précéda d'une année celles de la Suisse et de la Belgique, du Luxembourg (1888) et du Canada en 1928. L'objet de cette Convention consistait à étendre la protection du droit d'auteur sur le plan international, en se substituant aux premiers accords bilatéraux d'État à État. Au début du xxe siècle, l'expansion des traductions,[...]
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Écrit par
- Philippe SCHUWER : auteur, éditeur
- Jean-Claude ZYLBERSTEIN : avocat à la cour d'appel de Paris, chargé de cours à l'université de Paris-I
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