Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE

Différences des systèmes anglais et américains

Il est courant d'opposer le « droit d'auteur » et le «  copyright », bataille qui trouve écho jusque dans la presse quotidienne. Le 10 juillet 1990, P.-A. Gay, écrivait dans Le Monde : « La conception anglo-saxonne du droit d'auteur, du copyright [...]. pour simplifier, assimile l'« œuvre » à une « marchandise », l'autre, « européenne et continentale », accorde à l'auteur des droits moraux inaliénables sur le fruit de son travail. » À l'inverse, Alain Strowel, auteur du remarquable ouvrage Droit d'auteur et copyright , estime souhaitable de prendre « une certaine distance par rapport à l'idée très répandue [...] que le droit français est au service des auteurs, le droit américain au service de l'industrie ».

L'analyse des termes en usage dans divers pays européens est instructive ; elle révèle une forte similitude d'approche entre la France et l'Italie (diritto di autore), l'Allemagne (Urheberrecht), l'Espagne (derechos de autor) et les pays scandinaves, tandis que le terme copyright est seul en usage pour définir la propriété littéraire et artistique en Grande-Bretagne, dans le Commonwealth et aux États-Unis. D'un côté, on veut protéger le créateur et sa personnalité, de l'autre, assurer une protection contre la copie (copy right).

Quelles principales différences caractérisent ces deux conceptions du droit d'auteur ? La question de la formalité de dépôt pour protéger l'œuvre ne tient plus depuis 1911, en Grande-Bretagne, avec l'abrogation de cette formalité préalable, et depuis l'adhésion tardive des États-Unis à la Convention de Berne (1989).

On a pu soutenir que seul le droit d'auteur « à l'européenne », comme il est souvent appelé, défendrait le droit moral du créateur. Ce serait oublier que les moral rights ont été introduits dans les législations anglaise (1988) et américaine (1990). Cependant, de réelles différences demeurent. John Huston, aux États-Unis, ne put s'opposer à la colorisation de ses films, ce qu'un tribunal français a accepté... Mentionnons encore que le droit de suite, qui permet à un artiste de recueillir un pourcentage sur la revente d'une de ses œuvres, une peinture par exemple, en France, en Belgique ou en Allemagne, est ignoré par le Royaume-Uni ou les États-Unis.

Alors que les négociations se poursuivent, l'intégration du droit d'auteur dans l'accord général du G.A.T.T. marque une certaine dérive du droit d'auteur vers le droit économique, mais certaines dispositions de la loi française de 1985 esquissaient déjà cette orientation. Et d'aucuns considèrent que dans le même temps le copyright tend à se rapprocher des législations d'inspiration humaniste. De son côté, la Cour de justice des Communautés européennes tente de concilier l'« existence » et l'« exercice des droits » : dans un premier temps, elle a privilégié les aspects économiques, au nom de la libre circulation des marchandises mais a tendu, plus récemment, à renforcer la protection des créateurs. On notera que le commerce étant libre à l'intérieur de l'Union européenne, il n'est plus possible de fixer des limites territoriales d'exploitation à l'intérieur de ses frontières : ainsi, aucun interdit ne peut-il plus frapper la diffusion-distribution d'une œuvre dans une langue de l'Union européenne, à l'intérieur de celle-ci. Cette mesure a déjà modifié le marché du livre.

Sans nul doute, de réels affrontements subsisteront – tant les enjeux économiques sont considérables – à propos des nouvelles technologies (diffusion par câble, satellites, multimédia et autres procédés à venir).

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • ARRANGEMENT, musique

    • Écrit par
    • 4 319 mots
    • 1 média
    Pour autant que l'arrangement devienne un acte de création, il est normal qu'il bénéficie de la même protection légale que l'œuvre originale. Il en résulte que les diverses législations portant sur le droit d'auteur réservent à l'arrangeur un pourcentage, variable suivant les pays, du droit d'auteur....
  • ART (L'art et son objet) - Le faux en art

    • Écrit par
    • 6 715 mots
    ...gravures, c'est parce que l'artiste avait reçu de l'empereur un privilège d'exclusivité pendant dix ans ; on protégeait la marchandise commerciale, non la propriété artistique. Lorsque Luca Giordano fut poursuivi par le prieur de la chartreuse de Naples pour une falsification d'Albrecht Dürer, intitulée...
  • AUTEUR

    • Écrit par , et
    • 3 112 mots
    • 12 médias
    ...e siècle (« C'est un métier que de faire un livre », avertit La Bruyère en 1688), conduit (difficilement) à la reconnaissance d'une propriété intellectuelle qui se traduit par l'établissement du droit d'auteur en 1793 ; pour la loi, comme pour la pratique littéraire, l'auteur devient...
  • BEAUMARCHAIS PIERRE-AUGUSTIN CARON DE (1732-1799)

    • Écrit par
    • 4 172 mots
    • 1 média
    ...Comédie-Française et réussit à regrouper les auteurs dramatiques pour faire valoir leurs droits ; il jette ainsi les bases d'une réglementation de la propriété littéraire qui sera fixée une première fois en 1780 par le Conseil d'État puis par l'Assemblée constituante en 1791. C'est que sa vie d'homme...
  • Afficher les 19 références