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PROSPECTIVE

Même si l'on peut prêter au terme prospective une origine anglaise, il est courant en France d'en attribuer la paternité à Gaston Berger qui, en 1957 (repris en 1967 dans Étapes de la prospective), le propose comme une manière de réfléchir sur l'avenir. « Avant d'être une méthode ou une discipline, la prospective est une attitude » (Berger, Phénoménologie du temps et prospective, 1964), un champ libre pour l'invention de la vie future.

Dans la lignée du saint-simonisme, qui a servi de source d'inspiration à de nombreuses idéologies du xixe et du xxe siècle, la prospective vise ainsi à se libérer du fatalisme du destin. « Saint-Simon valorise le futur par rapport au présent et cherche à aborder de façon méthodique la problématique du devenir. Pour lui, l'idée prospective a pour fonction principale de laïciser le politique, en pensant l'avenir comme l'espace potentiel de réalisation d'un paradis terrestre... » (Pierre Musso, Saint-Simon, pionnier de la prospective, Futuribles, 2003). L'idée de prospective est donc ancienne, mais sa réalisation scientifique est plus récente.

La pensée de Gaston Berger est, en effet, développée par le Centre d'études prospectives, créé en 1957, pour « voir loin, voir large, analyser en profondeur, prendre des risques » et penser à l'homme en fonction d'une nouvelle liberté de choix. « Voir loin », car notre civilisation rapide s'arrache à la fascination du passé ; « voir large », car le futur offre une variété de possibles dont le choix nous appartient ; « analyser en profondeur », car toutes les structures porteuses d'avenir ne sont pas apparentes ; et « prendre des risques », car il n'y a pas de déterminisme et de certitude pour le futur. Gaston Berger ajoute « penser à l'homme » face à ces transformations majeures qui le concernent, car l'homme est au centre de toute réflexion sur la vie.

La prospective nous fait ainsi passer d'une attitude passive face au futur à une attitude active et créative. Elle est différente de la prévision, qui se confond avec la prédiction et la prophétie, et qui conçoit l'avenir selon une certaine fatalité liée au passé. L'accélération du changement, le déclin de l'attitude religieuse et la croyance en l'action de l'homme ont suscité ce passage de la prévision à la prospective. Il s'agit d'un glissement fondamental car, au lieu de rechercher une tendance dans le passé pour postuler sa continuité dans l'avenir, le chercheur explore, à son gré, le champ des possibles et l'anticipe.

La prospective constitue donc une rupture d'attitude face au futur. Démarche d'inspiration scientifique, elle puise dans le savoir humain pour imaginer l'avenir dans le cadre d'une volonté de changement. La démarche prospective est méthodique et critique. Elle cherche à « combiner l'identification des tendances lourdes, des risques et ruptures, pour modeler des visions stratégiques destinées à maîtriser le futur » (Musso, ibid). Elle est différente aussi de l'utopie, où souhaits et réalité se mélangent de façon inconsciente.

Michel Godet (Crise de la prévision, essor de la prospective, 1977) parle de « quête de rigueur » pour dépasser la prévision classique. Pour ce faire, il adopte une vision globale tenant compte de l'interdépendance des phénomènes et de leurs dynamiques, et propose d'utiliser l'analyse structurelle qui met en évidence les structures entre les variables (quantifiables ou non) qui caractérisent un système. Cette méthode introduit deux champs de questionnement : quelles sont les potentialités de développement des variables majeures ? Comment ensuite les relations entre ces variables vont-elles fonctionner ? Pour y répondre, Michel Godet propose d'utiliser, parmi diverses méthodes, l'approche[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État, professeur à l'université de Genève (Suisse)

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