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PROSPECTUS ET TOUS ÉCRITS SUIVANTS, Jean Dubuffet Fiche de lecture

En 1946, moins de deux ans après sa première exposition à la galerie René Drouin, Jean Dubuffet (1901-1985) publie Prospectus aux amateurs de tout genre dans la collection Métamorphoses des éditions Gallimard. Entrée fracassante sur la scène littéraire d'un peintre qui rejoint des écrivains pratiquant une littérature expérimentale d'avant-garde et un autre artiste, Picasso, dont l'importance dans l'immédiat après-guerre n'est plus à démontrer. Dans ce recueil bigarré, Dubuffet met en résonance un projet de conférence populaire, des notes, des préfaces de catalogues, des correspondances et des textes littéraires. La publication, en 1967, du vivant de l'artiste, des deux premiers volumes et, en 1995, des deux derniers des Prospectus et tous écrits suivants répond au même souci d'expérimentation avec les différents genres pratiqués par les artistes dans leurs écrits. Dubuffet tente de donner un sens aux choses quotidiennes et banales, notamment par le recours au langage parlé, truculent et cocasse : son écriture met à l'épreuve le signifiant graphique et sonore du signe. Il prône l'erreur, l'illogisme, la contradiction interne et une gymnastique du regard qui se déplace entre le monde mental et le monde physique. En outre, il forge un véritable arsenal contre la culture occidentale.

« L'homme du commun » et l'invention de l'art brut

Dans un élan iconoclaste, Jean Dubuffet condamne toute la production artistique qui lui est antérieure, notamment les avant-gardes. Les quatre-vingt-deux textes de « Notes pour les fins-lettrés » (1946, vol. 1) cristallisent son entreprise de destruction de la création artistique passée mais aussi contemporaine. La tradition picturale mise à la trappe, Dubuffet prône la spontanéité du geste, le hasard, la maladresse, l'importance de la matière, le corps à corps avec les matériaux, une sorte de primitivisme sauvage où toute forme trouve son origine dans la tache. Comme beaucoup de ses contemporains de l'immédiat après-guerre, il cherche un retour à l'élémentaire dans un passé archaïque et mythique. Cette quête de l'origine, qui presque au même moment est au cœur de la réflexion sartrienne, se teinte cependant chez Dubuffet d'une conception politique d'arrière-garde : la vivacité, le ton provocateur et ironique témoignent du projet quelquefois démagogique et populiste de rendre accessible à tous la création artistique. Un autre texte, repris également dans le volume 1, « L'Art brut préféré aux arts culturels » est publié dans le catalogue de l'exposition éponyme, en 1949, à la galerie Drouin. Dans ce véritable manifeste, Dubuffet condamne « le clan des intellectuels de carrière », l'art réalisé par « des caméléons et des singes ». Enfin, dans les commentaires sur ses propres travaux, il explique sa démarche avec un souci pédagogique et une attention portée à la technique contrebalancés par une volonté de se situer en dehors de l'histoire de l'art, y compris celle de l'art brut.

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