PROSTITUTION DE 1789 À 1949
La Révolution française ne représente pas une rupture dans l’histoire de la prostitution en France et en Europe. En revanche, le Consulat (1800-1804), en instaurant le réglementarisme, exporte sur tout le continent européen ce qui devient le « système français » dans un contexte où l’urbanisation croissante favorise le développement de la prostitution, qui est à la fois « le plus vieux métier [féminin] du monde » (la prostitution masculine est tue) et l’expression d’un vice, d’une déviance sociale ou pathologique. Après bien d’autres pays européens, la France abandonne finalement, en 1946, le réglementarisme et ferme ses maisons closes, selon l’expression consacrée. Un nouveau pas est franchi trois ans plus tard avec l’adoption par l’O.N.U., le 2 décembre 1949, de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui.
La Révolution française contre la dépravation des mœurs
Les cahiers de doléances rédigés pour la réunion des États généraux de 1789 réclament un contrôle du recrutement des prostituées et des réseaux de maquerellage, la concentration géographique des filles de joie et la répression de la prostitution non dissimulée, sans toutefois chercher les causes du phénomène. Les révolutionnaires, qui lient la liberté aux bonnes mœurs publiques, jugent sévèrement les prostituées, pas leurs clients.
Sans explicitement nommer la prostitution, la loi des 19-22 juillet 1791 sur l’organisation de la police municipale et correctionnelle, chargée de faire respecter les « bonnes mœurs », reconnaît son existence à travers la répression du « raccrochage » (le racolage), comme atteinte à l’ordre public et à la décence, faisant de celui-ci un délit passible d’une peine de prison de six mois maximum.
Opposant la vertu révolutionnaire aux mœurs dépravées de l’aristocratie, la Terreur (1793-1794) défend à « toutes les filles ou femmes de mauvaise vie de se tenir » dans l’espace public et « d’y exciter au libertinage et à la débauche ». L’application de cet arrêté du 4 octobre 1793 par les commissaires de police conduit à des rafles de prostituées, jeunes femmes de condition modeste et célibataires pour la plupart (784 arrestations), concentrées essentiellement au bord de la Seine et au Palais-Royal, à Paris. De plus, la peur grandissante de la contamination vénérienne provoque une forte répression de la prostitution. Cette législation et les pratiques policières créent alors la catégorie de « fille publique », artificiellement homogène, qui ne prend pas en compte la diversité des pratiques et des conditions d’exercice (prostitution de rue, de maison close, rôle des proxénètes…).
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Écrit par
- Yannick RIPA : professeure des Universités
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Médias