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PROSTITUTION EN EUROPE (HISTOIRE DE LA)

La prostitution au Moyen Âge, une débauche réprimée ou contrôlée

Par le code dit Alaric, du nom du roi wisigoth qui le promulgue en 506, les prostituées sont persécutées, menacées de coups de fouet. Appliquée à la Gaule par Clovis, cette législation répressive est renforcée, en vain, par Charlemagne avec l’augmentation du nombre de coups de fouet, la tonte de la chevelure – considérée comme l’emblème de la séduction féminine –, et la mise en esclavage des récidivistes, la condamnation de leurs logeurs, afin de lutter contre la multiplication des maisons de débauche. À partir du xiiie siècle, les prostituées sont mises au ban de la société, sous l’influence grandissante de la morale ascétique des pères de l’Église. Aussi n’est-il pas étonnant, alors que la réforme grégorienne impose sa rigueur morale, que Louis IX interdise en 1254 aux prostituées leur « mauvais commerce », les fasse chasser et confisque leurs biens. L’opposition qu’il rencontre renvoie une nouvelle fois à la distinction entre prostituées et prostitution : si les prostituées sont des filles de mauvaise vie, la prostitution est, elle, un rempart qui protège épouses et filles des viols que commettraient leurs « clients ». Argument convaincant puisque, en 1256, le roi annule l’ordonnance et tente de faire encadrer la prostitution en limitant l’espace prostitutionnel, éloigné des églises, et en ouvrant des maisons de reclassement, des centres qui sont confiés à des religieuses chargées de remettre dans le droit chemin ces femmes « folles de leur corps ». Mais nécessité fait loi : les croisades (xie-xiiie siècles) rendent vaine toute tentative de limitation du phénomène car les « filles » suivent en grand nombre les croisés. Le laissez-faire prévaut finalement.

Cette double lecture (prostitution vs prostituée) de la part des autorités publiques se retrouve également dans les hésitations de l’Église : si le péché de chair rend seule admissible une relation sexuelle procréatrice, la lucidité des ecclésiastiques les invite à hiérarchiser les maux. La prostitution limiterait la fornication libre, la masturbation, l’homosexualité, l’adultère, les viols… Outil de régulation des sexualités déviant des principes chrétiens, elle est donc tolérée. Ce service rendu à la morale chrétienne ne dédouane en rien les prostituées qui, pourtant, fournissent aux villes des subsides. Reconnaissables à leurs vêtements, elles sont sans cesse avilies : pécheresses sans foi ni loi, elles sont rejetées de la communauté féminine. Dès lors, l’ensemble de la société chrétienne les marginalise et menace même de « peine de bordel » toute femme aux mœurs douteuses ; elle semble ainsi oublier le pardon du Christ à Marie-Madeleine et la place promise aux prostituées au Royaume de Dieu.

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