- 1. Prostitution et citoyenneté dans l’Antiquité
- 2. La prostitution au Moyen Âge, une débauche réprimée ou contrôlée
- 3. La municipalisation de la prostitution à l’époque moderne
- 4. L’impact du réglementarisme, un modèle français du xixe au xxe siècle
- 5. Une question complexe en constante transformation
- 6. Bibliographie
PROSTITUTION EN EUROPE (HISTOIRE DE LA)
L’impact du réglementarisme, un modèle français du xixe au xxe siècle
De cet héritage, le Consulat (1800-1804) se détache pour tenter acrobatiquement de permettre à la prostitution, ce « mal nécessaire », d’assurer son rôle de régulatrice sociale, tout en contrôlant les prostituées, lie de la société. Ainsi naît le réglementarisme, ce french system qui, au xixe siècle, organise la prostitution à travers toute l’Europe et l’exporte dans ses colonies. La prostitution n’est pas un délit mais elle doit être pratiquée par des filles inscrites à la préfecture de police ; elles exercent soit dans des maisons closes sous la surveillance de la tenancière et de la police des mœurs, soit chez elles dans des conditions strictes et précises, et soumises, régulièrement, à une visite médicale pour éviter la propagation des maladies vénériennes. Hors de ce cadre, la prostitution est interdite et les filles clandestines arrêtées et inscrites contre leur gré. Le xixe siècle bourgeois, héritier de siècles de tergiversations, croit avoir réussi à canaliser la sexualité masculine en la satisfaisant tout en maîtrisant cet « égout séminal » que seraient les filles de noce. La double morale sexuée qui traverse la civilité bourgeoise s’en trouve confortée. Pourtant, des voix s’élèvent contre ce système, accusé de ne pas respecter les droits universels de ces femmes, de créer une catégorie hors du droit commun (les prostituées), d’être contraire à la liberté individuelle en intervenant dans un contrat entre deux adultes consentants, de propager les maladies vénériennes lors des auscultations gynécologiques sans hygiène et de contribuer au développement de la prostitution et de réseaux pour alimenter les bordels autorisés. Ce mouvement – appelé abolitionnisme – né en Angleterre acquiert en 1875 une dimension internationale, mais se divise sur la nécessité de glisser ou non vers la prohibition. Il modifie grandement la figure de la prostituée, décrite par les réglementaristes comme débauchée ou fille par nature, selon la théorie de Cesare Lombroso et Guglielmo Ferrero qui, en 1876, affirment l’existence de prostituées-nées, identifiant selon une même grille de lecture chez des hommes des criminels-nés. Les abolitionnistes dénoncent les causes, essentiellement matérielles, de la prostitution et commencent à suggérer que la prostituée serait une victime et non une coupable. C’est précisément parce que d’innocentes jeunes filles sont victimes de réseaux de proxénètes que l’audience des anti-réglementaristes augmente. Le traitement de la prostitution devient à partir de la fin du xixe siècle, et plus encore aux siècles suivants, indissociable de la prise en compte de la volonté de la personne – homme ou femme – de se prostituer. Il s’inscrit alors dans la lutte internationale contre « la traite des blanches ». Le système, déjà affaibli, est déconsidéré durant la Seconde Guerre mondiale par l’ouverture dans l’Europe occupée de maisons closes, souvent suspectées de collaborationnisme. Leur fermeture, débutée à la fin du xixe siècle, s’échelonne jusqu’au milieu du xxe siècle.
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Écrit par
- Yannick RIPA : professeure des Universités
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