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PROSTITUTION EN EUROPE (HISTOIRE DE LA)

Une question complexe en constante transformation

À partir de 1949 s’ouvre une autre époque avec la ratification à l’ONU de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et l’exploitation de la prostitution d’autrui. Celle-ci rompt avec les discours séculaires en reconnaissant que la prostitution, comme la traite, ne concerne pas que les femmes blanches, en incriminant les organisateurs de la prostitution et en considérant comme des victimes les personnes prises dans leurs filets. Elle déclare « la prostitution et le mal qui l’accompagne – à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution – incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine ». Dans cette nouvelle configuration, la prostitution privée, contrainte de s’exercer majoritairement à l’extérieur, n’est pas un délit. Elle relève de la police quand elle trouble l’ordre public par le racolage, lequel est sans cesse redéfini, mais aussi et surtout des travailleurs sociaux confrontés à la misère prostitutionnelle aux multiples visages. Si la prostitution est un choix pour une minorité de personnes des deux sexes qui revendique, parfois constituée en syndicat, le statut de travailleur(se) du sexe, dans le cadre de sociétés fortement sexualisées et davantage permissives, elle ne l’est pas pour la majorité d’entre elles. Grossie par le renouvellement des flux migratoires et des « réseaux » qui structurent une criminalité transnationale, rejetée loin des centres urbains, la prostitution s’exerce dans des conditions désastreuses et dangereuses. Dans ce contexte sont mises en œuvre des politiques nationales diverses (néo-réglementarisme, pénalisation des clients…). En France, où la prostitution n’est pas un délit, les gouvernements cherchent à la limiter, soit dans une optique répressive qui stigmatise les prostituées de rue (loi de 2003 sur la sécurité intérieure instaurant le délit de racolage passif), soit dans une optique protectrice, dans le cadre du « renforcement des moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle » (loi de 2016, portant pénalisation des clients). Mais cette législation soulève les protestations des prostituées qui affirment avoir choisi librement ce métier, auquel doivent donc être attachés tous les droits afférant à une profession. In fine s’établit ainsi une hiérarchie sociale de la prostitution qui génère des discours contradictoires, allant de la revendication de son abolition à la reconnaissance du « plus vieux métier du monde », qui serait un métier comme un autre.

— Yannick RIPA

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