PROSTITUTION DE 1789 À 1949
Le réglementarisme, un système français
Le Directoire (1795-1799) réclame en vain au Conseil des Cinq-Cents (assemblée qui détient l’initiative des lois) d’assimiler la prostitution à un délit et d’élaborer une loi spécifique contre les filles publiques. Ce message du 7 janvier 1796 se veut une réponse à l’augmentation de la prostitution résultant de l’exode rural – qui provoque le déracinement des campagnardes – et du chômage.
Le Consulat (1800-1804) instaure le système de la tolérance : la prostitution n’est pas un délit tant qu’elle respecte les règles imposées par l’État et contrôlées par la police des mœurs. La prostitution ne doit pas être supprimée, car elle est un « mal nécessaire », un « égout du trop-plein séminal », un régulateur du sexe et de l’ordre, comme l’affirmait déjà saint Augustin (De ordine, 386) et comme le confirmera, en 1836, le médecin hygiéniste Alexandre Parent-Duchâtelet dans son étude De la prostitution dans la ville de Paris, considérée sous le rapport de l’hygiène publique, de la morale et de l’administration.
Alors que les prostituées sont marginalisées et stigmatisées, la prostitution participe de l’apprentissage de la masculinité et appartient à une sociabilité masculine séculaire, hétérosexuelle, articulée autour de la virilité et de la jouissance ; le client n’est donc jamais mis en cause. Cette différence de traitement tient à une double morale, en fonction du sexe.
Avec ce système, les prostituées, majeures et célibataires, sont autorisées à exercer chez elles ou en maisons closes (appelées vulgairement bordels ou lupanars) – de la « maison d’abattage » à la maison de luxe –, signalées par un « gros » numéro sur la façade. Ces établissements (maisons de tolérance) sont dirigés par des femmes qui tiennent un registre de « leurs filles » (d’où leur nom de tenancières) et contrôlent les activités en chambre, pour éviter les « turpitudes ». Toute prostituée doit être enregistrée à la préfecture de police : « filles publiques » de maisons closes ou libres, soumises au réglementarisme, elles doivent passer régulièrement, à leurs frais, une visite médicale. En cas de maladie vénérienne, elles sont soignées dans des hôpitaux-prisons. Les « insoumises » – les clandestines – sont arrêtées par la police des mœurs ; à Paris, elles forment « le gibier de Saint-Lazare » (en référence à la prison Saint-Lazare, où elles sont incarcérées et enregistrées).
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Écrit par
- Yannick RIPA : professeure des Universités
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Médias