PROTECTION DE LA NATURE Aires protégées
Politiques des aires protégées
L'époque actuelle est en effet marquée par de fortes incertitudes quant aux modèles politiques à privilégier dans la gestion des aires protégées. Réalisation physique d'une conception particulière de gestion de la nature ayant acquis le statut de norme mondialisée, ces espaces ont des conséquences politiques extrêmement larges. D'une part, parce que, étant une emprise spatiale, ils ont dès leur origine été la matérialisation de l'action et du contrôle de l'État sur son territoire. D'autre part, parce que la forte implication d'acteurs internationaux a conduit très tôt les aires protégées à devenir des objets globalisés. Face à cela, les acteurs vivant dans ou à proximité des parcs ou des réserves se sont trouvés marginalisés et ont souvent combattu, de manière frontale ou détournée, les politiques de création et de gestion de ces espaces mis en protection. C'est en grande partie par leurs actions que les modèles qui organisent la conservation se sont renouvelés. Historiquement, on distingue deux modèles principaux : l'aire protégée conçue comme un État dans l'État et une conception plus extensive d'un espace de conservation envisagé comme exemple du développement durable. On assiste aujourd'hui à une ouverture des alternatives, ce qui complexifie singulièrement le paysage mondial des aires protégées et peut s'avérer crucial pour le futur de la conservation, dans la mesure où les enjeux de légitimité et d'acceptabilité des espaces protégés sont au cœur de la question de leur efficacité.
L'aire protégée « État dans l'État »
La volonté d'inscrire l'aire protégée comme un « État dans l'État » s'est imposée et diffusée au milieu du xxe siècle et a été dominante jusqu'aux années 1980. Son origine remonte néanmoins à la fin du xixe siècle, au moment où les forces conjointes de la deuxième révolution industrielle et de l'occidentalisation du monde marginalisent la problématique environnementale qui émerge alors. La création des espaces protégés est ainsi une conséquence d'une restriction de la protection de la nature à des espaces enclavés supposés être hors d'atteinte de toute action anthropique quand, à l'extérieur de ces espaces, l'exploitation des ressources et leur mise en valeur s'intensifient. Mais les aires protégées n'étaient pas des territoires a-modernes dans un monde en développement : elles ont au contraire suivi très précisément les modes opératoires de la modernité, dans les pays occidentaux comme dans les pays du Sud. Ces espaces sont en effet la conséquence de trois représentations de la nature étroitement associées à l'action de l'État. En premier lieu, une vision scientifique des modalités à suivre pour préserver la nature. La conservation a longtemps procédé d'une démarche entièrement positiviste, qui déniait toute place aux savoirs locaux, que ce soit en Europe, avec la marginalisation des savoirs paysans (Kalaora et Savoye, 1985), ou en Amérique du Nord, en Inde et en Afrique, avec l'expulsion des populations autochtones (MacKenzie, 1988). Ensuite, une dimension économique centrée sur la valorisation marchande des « ressources naturelles » par la chasse sportive, l'exploitation du bois et surtout le tourisme des parcs – à l'image des Galápagos (Grenier, 2000) –, interdisant tout autre mode d'utilisation de ces ressources et de ces espaces (chasse et pêche de subsistance, cueillettes, élevage nomade, agriculture extensive, etc.). Enfin, une mainmise de l'État sur les espaces protégés, dont la protection justifie un contrôle des éléments naturels, mais aussi et surtout un contrôle des humains. L'aire naturelle est à ce titre un objet politique organisant le territoire national,[...]
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Écrit par
- Alain JEUDY-DE-GRISSAC : responsable du programme d'assistance technique de l'Union européenne pour le développement des aires protégées du golfe d'Aqaba (Égypte)
- Estienne RODARY : géographe, chargé de recherche à l'Institut de recherche pour le développement
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Médias
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