PROTECTION DE LA NATURE Histoire
L'internationalisation de la protection de la nature
Les problèmes se posent en des termes sensiblement différents dans les pays autrefois colonisés d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine, où la préoccupation de mise en réserve a souvent été le fait des administrations coloniales pour aboutir, dans de nombreux cas, à d'intolérables situations de ségrégation, voire d'exclusion de groupes humains entiers au profit de la flore et de la faune sauvages, en particulier des grands mammifères et de leurs prédateurs. Cela explique les nombreuses réticences actuelles des pays libérés de la tutelle coloniale à accepter les restrictions que souhaitent imposer les pays du Nord à l'exploitation de leurs ressources naturelles.
Cela explique aussi pourquoi, en France, l'histoire de la conservation a pris un tour particulier et connu deux destins différents suivant deux espaces géographiques distincts : France métropolitaine et colonies. En métropole, après plusieurs tentatives avortées en 1913 (La Bérarde, le Pelvoux, Fontainebleau), il faudra attendre 1960 pour que soit votée une loi sur les parcs nationaux. À l'inverse, après le premier congrès international sur la protection de la nature, réuni à Paris en 1923, les gouvernements successifs créeront des réserves dans certaines colonies africaines et en Antarctique. La réglementation vise alors essentiellement l'interdiction partielle ou totale de l'exploitation d'espèces végétales menacées ou la limitation voire l'interdiction de la chasse de certains mammifères ou oiseaux. Quant au parc national à la française, institué en 1960, il a pour vocation de protéger un milieu naturel fragile qu'il convient de préserver « contre tout effet de dégradation naturelle et de soustraire à toute intervention artificielle susceptible d'en altérer l'aspect, la composition et l'évolution ». Le bilan de la loi de 1960 est mitigé, car les oppositions à la mise en protection sont multiples : pression accrue du tourisme, incohérences administratives et éclatement des responsabilités dans la gestion, conflits d'intérêts entre groupes sociaux tels qu'éleveurs et protecteurs de la nature...
Il est à noter que le processus d'internationalisation est soumis d'une façon analogue à des intérêts contradictoires entre pays et régions du monde, avec en particulier, après la Seconde Guerre mondiale, l'émergence d'une opposition géopolitique entre les pays du Sud, qui naissent du processus de décolonisation, et les vieilles puissances industrielles du Nord. La conférence sur la biosphère, tenue à Paris en septembre 1968, est un moment important de cette internationalisation, à l'origine du programme M.A.B. (Man and Biosphere), programme décennal de recherche à l'échelle internationale visant à établir les fondements scientifiques d'une gestion viable de la mosaïque des écosystèmes terrestres. Germent alors déjà des concepts qui émergeront plus tard : celui d'écodéveloppement à Stockholm, en 1972, et celui de développement soutenable (sustainable development, traduit à tort par développement durable) popularisé par le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, en 1992. Le processus de globalisation en cours est marqué par la prolifération des acteurs institutionnels inter-étatiques (P.N.U.E. ou Programme des Nations unies pour l'environnement, par exemple) et des organisations non gouvernementales. Ainsi, la suite logique du programme M.A.B. sera la « stratégie mondiale de la conservation : la conservation des ressources vivantes au service du développement durable » lancée conjointement en 1980 par l'U.I.C.N. (Union internationale de conservation de la nature), le P.N.U.E. et le W.W.F. (World Wildlife Fund). Cette stratégie servira de base pour la définition du développement soutenable qui apparaît[...]
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Écrit par
- Jean-Paul DELÉAGE : historien des sciences, professeur émérite de l'université d'Orléans
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Médias
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