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PROTECTION SOCIALE

Entendue dans son sens le plus extensif, la protection sociale recouvre l'ensemble des mesures, dispositifs et prestations qui se proposent de réduire, à l'échelle d'une collectivité humaine, les incertitudes de l'existence, en prémunissant ses bénéficiaires contre les risques socialement identifiés et individuellement perçus (invalidité, accident, chômage, maladie, vieillesse et, plus récemment, perte d'autonomie). Elle se démarque ainsi de l'autoprotection individuelle, fondée sur le patrimoine, les revenus du capital, l'assurance ou l'épargne privées. Toutefois, qu'elle soit collectivement organisée ne préjuge aucunement de ses autres attributs : depuis la fin du xixe siècle, la protection sociale peut être privée (bienfaisance laïque ou religieuse et protection d'entreprise) ou publique, facultative ou obligatoire, locale ou nationale, territoriale ou sectorielle, professionnelle ou interprofessionnelle. Si, durant la phase de construction des États-providence, le curseur s'est incontestablement déplacé de la responsabilité individuelle vers la solidarité collective, aujourd'hui, une évolution inverse se dessine. Confrontés, depuis les années 1970, à la très forte croissance des dépenses de santé, de chômage et de retraite, tous les États-providence, qu'ils soient d'inspiration bismarckienne (assurance liée au travail) ou beveridgienne (protection généralisée fondée sur la solidarité collective, indépendamment de toute activité professionnelle), inclinent en effet à introduire des éléments de la logique de marché à l'intérieur de leur service public de santé, tout en réduisant leurs prestations. L'inertie institutionnelle des systèmes de protection sociale reste cependant remarquable, car, si les prestations évoluent sensiblement, leur mode de financement et leur organisation demeurent toujours très influencés par les principes dont ils sont issus.

La coexistence depuis plus d'un siècle de plusieurs formes de protection sociale à l'intérieur des États-providence, sans la disparition concomitante de l'autoprotection, soulève plusieurs questions : comment leur poids relatif a-t-il évolué dans la durée ? Dans quelle mesure l'offre composite de protection sociale s'est-elle adaptée à l'évolution des structures sociodémographiques et socioprofessionnelles des sociétés occidentales ? Les enjeux liés à la protection sociale ont-ils changé de nature ?

Un contexte en constante mutation

Le clivage le plus durable dans l'histoire de la protection sociale est assurément celui qui sépare l'assistance (publique et privée) de la prévoyance (libre ou obligatoire). Longtemps assumée en France par l'Église qui en avait fait une de ses vertus théologales et une obligation morale pour ses fidèles, l'assistance est l'aide que l'État ou toute autre collectivité publique, une structure caritative (confessionnelle ou non) ou bien encore des particuliers accordent, directement et sans contrepartie, à des individus placés (du fait de leur âge, de leur situation physique ou sociale) dans l'incapacité de subvenir à leurs besoins. Une telle définition n'est pas sans postuler le caractère discrétionnaire de l'assistance : la conjoncture s'assombrit-elle, l'effort de protection peut aussitôt retomber. Le socialiste Jean Jaurès s'en était notamment ému, qui ne cachait pas sa préférence pour les assurances sociales dont l'automaticité contrastait avec la versatilité de l'assistance publique. À l'inverse, son collègue, Léon Mirman, proposait de remplacer l'ancienne assistance, qu'il jugeait humiliante pour ses destinataires, par un service public et moderne de l'assistance, fondé sur un droit à l'assistance.

Bien que le Sénat eût refusé d'en faire[...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire, habilité à diriger des recherches, chargé de mission au ministère de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement

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Média

Manifestation contre le plan Juppé - crédits : Georges Gobet/ AFP

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