PROTECTION SOCIALE
De nouveaux enjeux
Les difficultés grandissantes que les États-providence éprouvent, depuis le milieu des années 1970, à financer leur protection sociale redonnent une certaine actualité aux thèses libérales, promptes à dénoncer l'existence de « trappes à inactivité » ou de « profiteurs », mais aussi soucieuses de revivifier la prévoyance libre ou d'agir non sur les situations mais sur les ressources (théories « post-welfaristes » de la justice sociale) ou encore sur les comportements (politiques proactives avec ou sans contreparties). Ces mêmes difficultés ont aussi conduit les gouvernements à privilégier les réformes qui durcissent les caractéristiques intrinsèques des systèmes en place, tout en préservant – surtout dans les systèmes de type bismarckien où il est plus difficile de modifier les « droits acquis » – les arrangements institutionnels antérieurs. Sans doute les changements ont-ils été jusqu'à présent limités en raison des coûts politiques et économiques qu'une réforme radicale impliquerait. Mais le recul de la couverture publique, joint à l'organisation d'une concurrence encadrée entre opérateurs publics et acteurs privés de la protection complémentaire et supplémentaire, s'est partout fait sentir : les coûts et risques de santé sont davantage supportés par les patients (copaiement, limitation des soins remboursés, augmentation des primes d'assurances, franchise médicale) et la qualité de la prise en charge et des soins se dégrade du fait de la restructuration hospitalière et de l'encadrement plus strict des dépenses de santé.
La France n'a pas échappé à ces tendances lourdes. Dès les années 1980, elle limita les remboursements, révisa à la baisse l'indexation des prestations familiales et, pour lutter parallèlement contre le chômage, organisa le retrait massif des travailleurs âgés du marché du travail. Puis, elle mit en œuvre, au cours de la décennie suivante, des mesures structurelles visant à maîtriser sous le contrôle du Parlement les dépenses d'assurance-maladie, des retraites et d'indemnisation du chômage (réforme Balladur de 1993, plan Juppé de 1995-1996, accord U.N.E.D.I.C. de 1992 introduisant la dégressivité des allocations chômage), tout en s'efforçant de limiter l'impact de la fragilisation du tissu social (revenu minimum d'insertion en 1988, couverture maladie universelle en 1999 et loi de lutte contre les exclusions en 1998). Une nouvelle phase de réformes s'ouvrit au début des années 2000, avec la volonté d'infléchir les comportements, qu'il s'agisse du retour à l'emploi des chômeurs (P.A.R.E.) et des allocataires de minima sociaux, de la prolongation d'activité des travailleurs âgés ou du comportement des assurés en matière de santé. Par la suite, les modifications du Code du travail, notamment celles apportées sans grand bonheur aux contrats de travail (contrats nouvel embauche et première embauche, C.N.E. et C.P.E. en 2005-2006), ont procédé du souci d'aménager les conditions d'une « flexisécurité ». Inspiré par les législations scandinaves, ce concept vise à rendre compatibles les exigences des entreprises avec la nécessité de protéger les parcours individuels dans un contexte de forte instabilité.
Il résulte de cette accumulation effrénée de réformes un brouillage des frontières entre sécurité sociale, aide sociale et action sociale, doublé, depuis l'acte II de la décentralisation en 2003, de problèmes de gouvernance. Ces derniers se posent avec d'autant plus d'acuité que les dispositifs en vigueur sont de plus en plus gérés localement, lors même qu'il peut s'agir de droits généraux définis au niveau national. Ils tendent même à se complexifier dans la mesure où le rôle des acteurs privés s'est considérablement accru dans les domaines de l'assurance-maladie[...]
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Écrit par
- Vincent VIET : docteur en histoire, habilité à diriger des recherches, chargé de mission au ministère de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement
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