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PROTECTIONNISME

Libre-échange et mondialisation

À partir de la décennie 1990 et jusqu’en 2008, le processus de mondialisation des économies s’accélère. Les nations avancées et les pays émergents libéralisent leur commerce et facilitent les transferts de capitaux tout en maintenant certaines barrières. Cette évolution est liée à l’effondrement du bloc soviétique en 1989 et à l’entrée de la Chine à l’OMC en 2001, deux événements qui ouvrent des marchés nouveaux. L’internationalisation des chaînes de valeur, déjà à l’œuvre dans les décennies précédentes, s’intensifie, rendue possible par l’absence d’obstacles sur le commerce intra-entreprise demandée par les firmes qui se délocalisent. La Chine saisit ces opportunités pour exporter massivement, prenant la place de premier pays exportateur à partir de 2009.

Dans cette période, la protection douanière recule. Le taux moyen de droit de douane NPF (droit de la nation la plus favorisée, en fait appliqué à tous les pays avec qui aucun accord particulier n’a été signé) sur les produits manufacturés s’abaisse aux États-Unis entre 1990 et 2005 (de 6,1 % à 3,6 %), tout comme celui de l’UE (de 8,5 % à 4,1 %). Les pays émergents qui peuvent accéder plus facilement aux marchés des pays développés réduisent massivement, en contrepartie, leurs taux : en Inde, de 82,2 % à 15,4 % ; en Chine de 44,4 % à 9,6 % ; au Brésil de 35,4 % à 13,5 %... Parallèlement, comme l’indique Chad Bown (2010), tous les pays recourent systématiquement à l’arsenal efficace des obstacles non tarifaires (ONT) – sauvegardes, antidumping, droits compensateurs… –, en particulier les grandes économies émergentes (Argentine, Brésil, Chine, Inde, Turquie) dont le volume annuel de produits importés concernés par ces barrières passe d’un niveau proche de zéro en 1990 à 4 % du total des importations en 2007.

Rupture de 2008 et retour du protectionnisme

La crise des marchés de capitaux de 2008 révèle les faiblesses d’un système trop dérégulé et provoque la « grande récession », avec, corrélativement, un effondrement en 2009 du commerce mondial de 12 %. On entre alors dans une phase de ralentissement de la mondialisation que Douglas Irwin (2020) qualifie de slowbalization, marquée par un certain retour vers le protectionnisme. Dans la période qui suit immédiatement la crise de 2008, quelques mesures sont adoptées, malgré les déclarations des pays du G20 qui soulignent les dangers d’un repli généralisé semblable à celui de 1929. Mais c’est surtout à partir de 2010 qu’un certain regain de protection a lieu. D’après la Commission européenne, les partenaires de l’UE adoptent 688 nouvelles mesures de protection entre 2008 et 2013. Le 28e Global Trade Alert Report (2021)souligne le nombre élevé de nouvelles subventions mises en place par les trois principaux acteurs du commerce (États-Unis, UE et Chine) : 2 488 nouvelles subventions allouées entre 2008 et 2010 et 11 861 entre 2011 et 2019.

Les défenseurs du libre-échange s’alarment de cette évolution, alors que, parallèlement, les négociations lancées dans le cadre de l’OMC en 2001 ne débouchent sur aucun accord de grande ampleur. À l’inverse, les opinions publiques des pays avancés et certains économistes comme Dani Rodrik (2018) demandent une protection encore plus forte, considérant que la mondialisation passée et présente est la principale responsable de la désindustrialisation et du chômage dans les pays avancés et de l’accroissement des inégalités dans tous les pays. En fait, la mondialisation a permis aux pays émergents et à certains autres en développement de connaître une forte croissance, ce qui s’est traduit par une réduction de l’écart de leur niveau de vie moyen par rapport aux pays avancés. En contrepartie, les écarts de revenus à l’intérieur de la plupart des pays se sont accrus et la désindustrialisation du Nord s’est[...]

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Écrit par

  • : docteur en sciences économiques, professeur émérite à l'université de Paris Dauphine

Classification

Média

Signature du nouveau traité de libre-échange nord-américain, 2018 - crédits : Saul Loeb/ AFP

Signature du nouveau traité de libre-échange nord-américain, 2018

Autres références

  • LIBRE-ÉCHANGE ET PROTECTIONNISME DES XVIIIe ET XIX e SIÈCLES - (repères chronologiques)

    • Écrit par
    • 131 mots

    1786 Traité de commerce de libre-échange entre la France et la Grande-Bretagne.

    1806 Tarif protectionniste français.

    1815 La Corn Law protège l'agriculture britannique.

    1822 Tournant prohibitionniste de l'économie française.

    1846 Abolition des corn laws.

    1849 Abolition de l'acte...

  • AGRICOLE RÉVOLUTION

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    « L'habitude s'est prise de désigner, sous le nom de révolution agricole, les grands bouleversements de la technique et des usages agraires qui, dans toute l'Europe, à des dates variables selon les pays, marquèrent l'avènement des pratiques de l'exploitation contemporaine » (Marc Bloch)....

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    ...soudains d’importations en élevant des barrières douanières. Les opposants à cette mesure, en particulier les États-Unis, craignent qu’elle n’encourage le protectionnisme. Les négociations ont buté sur les marchandises concernées, sur les seuils de déclenchement du mécanisme et sur le niveau de protection....
  • AMÉRIQUE LATINE - Évolution géopolitique

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    ...général de la C.E.P.A.L. (Commission pour l'Amérique latine de l'O.N.U.), sous le nom d'« industrialisation par substitution d'importations » (modèle ISI), postulait que le marché intérieur devait être protégé par d'importantes barrières douanières et par une infinité de contrôles pour permettre la constitution...
  • AUSTRALIE

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    ...(A. Fischer), il ravit le pouvoir aux conservateurs de Deakin, qui avaient pratiqué une politique d'organisation de la fédération à l'intérieur, et de protectionnisme économique et racial à l'extérieur (vote, en 1901, de la « loi des cinquante mots », qui permet, sous prétexte d'analphabétisme, d'interdire...
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