PROTESTANTISME Problèmes contemporains
L'évangélisme
Qu'entendons-nous par « évangélisme » ? En allemand, evangelisch est historiquement un synonyme de protestant (cf. Evangelische Kirche Deutschlands, créée en 1948). Il arrive, en France, que le terme d'évangélique soit utilisé dans ce sens-là (« Église évangélique luthérienne de France », par exemple). Mais, depuis la fin des années 1960, s'impose de plus en plus le sens anglo-saxon, qui introduit une différenciation interne au protestantisme entre un courant qui serait « évangélique » et d'autres qui, du point de vue des premiers, le seraient un peu moins. En Grande-Bretagne, « the Evangelical Movement » a d'abord désigné, à la fin du xviiie siècle, le groupement informel qui réunissait des « dissidents » et des anglicans « pieux ». Au xixe siècle, evangelical va de plus en plus désigner l'ensemble de ceux qui prônent un réveil religieux, notamment face aux tendances rationalisantes issues des Lumières, puis face au libéralisme théologique issu de la philosophie allemande et de l'école historico-critique. La création de l'évangélisme moderne peut être datée de la fondation, en 1846, de l'Alliance évangélique aujourd'hui divisée en deux organismes, l'un européen (assez strict) et l'autre mondial (plus ouvert). Pour sa part, l'Alliance évangélique française est membre des deux associations.
D'un point de vue socio-historique, deux critères principaux paraissent définir l'évangélisme : le revivalisme (importance de la conversation individuelle comme appropriation personnelle du salut) et la prétention à l'orthodoxie (défense des « vérités chrétiennes » à partir de la Bible, pleinement inspirée et seule médiatrice du salut). De la première caractéristique découlent notamment, pour les évangéliques, l'importance du thème de l'« Église invisible », formée par la réunion des « vrais croyants », quelles que soient leur organisation ecclésiastique et la méfiance subséquente à l'égard d'un œcuménisme de structures qui voudrait retrouver une unité perdue (alors que l'important serait de vivre une unité invisible et spirituelle). La deuxième caractéristique conduit notamment à une condamnation du pluralisme doctrinal comme valeur en soi. Cela permit, au-delà de la pluralité des théologies, la prolifération, dans les Églises, de discours « non conformes à l'enseignement de l'Écriture ». Une évolution s'est cependant fait jour et certains admettent la nécessité du pluralisme, à condition de ne pas mettre en cause les fondements même de la foi.
Le courant évangélique regroupe diverses tendances et organisations ecclésiastiques et il n'est pas exempt de tensions internes. Un des clivages les plus importants a trait à l'écclésiologie.
Certains évangéliques sont membres d'Églises dites « multitudinistes » et issues directement de la Réforme du xvie siècle. Ils se considèrent comme membres du courant évangélique, tout en étant luthériens, réformés ou anglicans. Pour eux, bien que surbordonnées à l'« Église invisible », les Églises institutionnelles sont des pédagogues chargés d'éduquer les chrétiens et de les amener à la confession personnelle de leur foi. Dans cette optique, les « vérités chrétiennes » constituent des normes pour l'« Église enseignante » (théologiens, pasteurs, catéchètes...), même si les convictions de tous les « enseignés » ne sont pas forcément aussi claires. Au sein du protestantisme français, la faculté de théologie réformée d'Aix-en-Provence, qui considère la Confession de foi de La Rochelle comme le fidèle résumé des « vérités bibliques », représente cette sensibilité.
D'autres évangéliques sont des membres d'Églises dites de professants, qui, sauf[...]
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Écrit par
- Jean BAUBÉROT : directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S.
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