PROTESTANTISME Problèmes contemporains
L'exemple de deux situations nationales
Constituées généralement en des Églises nationales, les Églises protestantes sont profondément marquées par la situation de leurs pays respectifs, comme en témoignent l'exemple de l'Église évangélique allemande ou celui du protestantisme français.
Avant la réunification de l'Allemagne, l'Église évangélique (dénomination qui recouvre l'ensemble des protestants) de la République démocratique allemande regroupait de huit à dix millions de membres. Dirigée par la minorité de chrétiens qui avaient résisté au nazisme, elle avait adopté envers le régime communiste une position de « solidarité critique » qui lui permit de mettre en œuvre, en 1978, la première rencontre qu'on ait vu s'établir, au plus haut niveau, dans une démocratie populaire, entre les autorités ecclésiastiques et les représentants du gouvernement. Mais cette normalisation des relations se trouve aussitôt soumise à une première épreuve : le régime ayant instauré la formation militaire obligatoire dans les écoles, l'Église évangélique a répliqué en développant une « éducation pour la paix ». Cela lui permit d'apparaître, à la fin du régime, comme un lieu de débats et de propositions. Son absorption par l'Église évangélique de l'Allemagne de l'Ouest, au statut matériel bien plus enviable (nombreuses œuvres sociales, impôt ecclésiastique, etc.), l'a sans doute empêché de préserver son originalité.
Le protestantisme français compte neuf cent mille adeptes (réformés, luthériens, baptistes, pentecôtistes) et des centaines de milliers de protestants détachés ou sympathisants. Alors qu'il était brimé dans la société marquée par le modèle de la « chrétienté », il s'est activement inséré dans le processus de laïcisation, aussi bien à propos du problème de l'école qu'en matière de sexualité, notamment par ses positions favorables au contrôle des naissances puis à l'égalité homme-femme, manifestée par une forte augmentation du pastorat féminin dans le dernier quart du siècle. Mais il se lia aussi à la contestation politique : en 1971, un document intitulé Église et pouvoirs publié par la Fédération protestante de France déclarait la société actuelle « inacceptable », ce qui provoqua au sein de la Fédération des dissensions internes importantes.
De telles crises rendaient visible un mal plus profond : une certaine atténuation de l'identité protestante. Le protestantisme, en effet, avait occupé une place spécifique entre les blocs catholique et libre penseur. L'institutionnalisation de l'œcuménisme l'ayant amené à une alliance privilégiée avec le catholicisme, le déséquilibre numérique entre les deux confessions ne se trouve plus compensé par une originalité qualitative dont aurait pu se prévaloir le protestantisme français. Cela risquait d'entraîner pour celui-ci une relative diminution de son rayonnement, aggravée par la crise générale des Églises. Cependant, d'une part la vitalité des Églises évangéliques, d'autre part les problèmes internes de l'Église catholique dont le courant favorable au IIe concile du Vatican s'est trouvé décontenancé par les positions de Jean-Paul II, a redonné un espace au protestantisme français. Cela a été montré, notamment, lors des commémorations « actualisantes » de la Révocation de l'édit de Nantes (1985) ou de l'édit lui-même (1998).
La diversité des traditions confessionnelles, des courants socio-théologiques et des situations nationales explique que diverses stratégies soient mises en œuvre pour faire face aux « défis du monde moderne », dont le plus grave est l'athéisme social implicite véhiculé par la forme de rationalité propre à la société industrielle. On constate cependant[...]
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Écrit par
- Jean BAUBÉROT : directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S.
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