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PROTESTANTISME Protestantisme et société

Le protestantisme insiste sur l'idée d'incarnation, sur l'importance de l'action profane. Il a ainsi joué un rôle important dans l'histoire économique et sociale.

Le lien avec le capitalisme

Au xixe siècle, le lien avéré entre le protestantisme et le capitalisme était expliqué en termes apologétiques (le protestantisme, religion « supérieure ») ou polémiques (par la Réforme, les puissants se sont soustraits à la tutelle de l'Église et ont opprimé les faibles). Marx et Engels, puis Max Weber ont tenté d'établir scientifiquement l'existence de cette relation privilégiée.

Les deux premiers ont analysé le protestantisme dans le cadre de leur théorie de l' idéologie, insistant, face à l'idéalisme des néo-hégéliens, sur l'enracinement des idées religieuses dans la structure socio-économique. Le Capital décrit le protestantisme comme « le reflet d'une société où le rapport le plus général entre les producteurs consiste à comparer la valeur de leurs produits et, sous cette enveloppe des choses, à comparer les uns aux autres leurs travaux privés à titre de travail humain égal ». La doctrine de la prédestination serait la transposition religieuse dans la constatation du fait suivant : dans le monde commercial, le succès et l'insuccès d'un homme dépendent plus de circonstances indépendantes de sa volonté que de ses activités ou de son habileté. La spoliation des biens d'Église et la transformation de presque tous les jours fériés en jours ouvrables, mesures prises par le protestantisme, ont joué un rôle important dans le développement du capitalisme.

Les sociologues marxistes (Robertson...) ont repris cette analyse : les hérésies médiévales, le protestantisme, le jansénisme sont l'expression théorique et doctrinale de l'« exigence ascétique », attitude caractéristique de la classe moyenne ascendante ; ces mouvements reflètent une nécessité économique (le boutiquier, l'artisan doivent être sobres, vertueux et travailleurs s'ils veulent faire prospérer leurs affaires) et la rendent supportable en la présentant comme une valeur religieuse.

La perspective marxiste a mis en valeur l'enracinement économico-social de la Réforme. Mais elle a tendance à sous-estimer l'importance de la structure religieuse proprement dite (par exemple, C. Barbagallo). Il est alors difficile d'expliquer pourquoi les adeptes du protestantisme se sont recrutés non dans la seule bourgeoisie, mais « dans des classes ayant des intérêts et des aspirations les plus dissemblables » (E. G. Léonard) et pourquoi les pays qui paraissaient les plus mûrs pour le capitalisme (Espagne, Italie, Flandres) sont restés catholiques.

Max Weber, au début du xxe siècle, reprit ce problème. Bien que d'autres civilisations, fit-il remarquer, aient connu un capitalisme commercial à peu près identique à celui du Moyen Âge européen, l'organisation rationnelle capitaliste du travail formellement libre, qui débuta au xvie siècle, est relativement spécifique à l'Occident. Si le développement de ce rationalisme économique dépendait des techniques rationnelles, il dépendait aussi de la faculté des hommes à adopter certains types de conduite. C'est à ce niveau que l'éthique protestante a joué son rôle. Luther a déplacé la notion de salut et l'a fait « sortir » des cloîtres. Calvin, par sa doctrine de la prédestination, a créé une inquiétude. La réussite professionnelle fut bientôt interprétée comme le signe visible de l'élection. Ainsi les puritains condamnèrent-ils le repos dans la possession, la jouissance de la richesse. Ces fondements religieux de l'« ascétisme séculier », qui se retrouvent aussi dans le piétisme, le méthodisme, le baptisme, aboutirent à un mode de vie favorisant l'esprit d'accumulation[...]

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  • : directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S.

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