PROVERBE DRAMATIQUE
Plutôt qu'un genre littéraire, le proverbe est, à l'origine, un divertissement de salon dont la naissance a été favorisée par la brillante vie mondaine de la fin du règne de Louis XIII. C'est « une scène en plusieurs scènes qu'on écrivait ou que souvent on improvisait entre soi sur un simple canevas et qui renfermait un petit secret [...]. Le secret était le mot même du proverbe (par exemple : Selon les gens, l'encens ; ou bien : Il ne faut pas jeter le manche après la cognée), mot qui était enveloppé dans l'action et qu'il s'agissait de deviner » (Sainte-Beuve). Ce jeu de société nécessitait des acteurs d'occasion, les habitués des salons, qui avaient le double plaisir de jouer la comédie et d'intriguer leur public, lequel s'amusait pour sa part à chercher l'énigme. Le règne de Louis XIV, marqué par l'éclat des divertissements royaux, nuisit à la vie mondaine parisienne, ce qui limita à la province ces jeux de salons. Furent publiés, en appendice au Voyage de campagne de la comtesse de Murat, les proverbes de Mme Durand. À cette époque, Mme de Maintenon écrivit des proverbes pour les demoiselles de Saint-Cyr, qui ne paraîtront qu'en 1829. Il faut attendre la seconde moitié du xviiie siècle, avec le développement des scènes privées, pour que le proverbe dramatique devienne à la mode.
Les premiers succès sont dus à Charles Collé, chansonnier en vogue et lecteur du duc d'Orléans, avec son Théâtre de société. Tout son art reposait sur l'allusion, le sous-entendu, et il ne parvint pas, malgré ses références à l'actualité, à donner à ses propos une vie et une portée suffisantes, limité qu'il était par le public restreint auquel il s'adressait, l'entourage du prince. Il est supplanté par Carmontelle, ordonnateur des fêtes de la cour du même duc. Cet auteur fait paraître, de 1768 à 1781, dix volumes de proverbes. Bien que l'action de ses piécettes soit pauvre (l'intrigue et le dénouement sont en effet inexistants) et le langage plat, Carmontelle réussit à écrire des œuvres plaisantes, faisant preuve de beaucoup d'esprit et d'imagination. Il met en scène, sous forme de conversation, des incidents tirés de la vie quotidienne et peint avec finesse les travers et les ridicules de son temps. L'observation reste superficielle, mais aimable et juste. Son succès encourage de nombreux imitateurs, et le proverbe tend à perdre son originalité propre. Il entre dans le répertoire des théâtres de boulevard, ce qui lui ôte son caractère d'improvisation, au moment où la Révolution interrompt provisoirement son développement.
Néanmoins, sa vogue reprend au début du xixe siècle avec les proverbes de Sauvage, de Romieu et de Scribe. À partir de 1823, Théodore Leclercq est consacré grand maître du genre. Homme du monde, sans aucune prétention littéraire, il écrit uniquement pour son plaisir et pour celui de ses amis lorsque la célébrité l'atteint. Il élargit le cadre du proverbe où le « mot », jusqu'à présent caché dans l'action, figure maintenant quelquefois dans le titre et presque toujours à la fin de la pièce ; ce « mot » ne devient, le plus souvent, qu'un prétexte à de jolies scènes : « Il a poussé le proverbe aussi loin qu'il est possible à moins d'en faire une comédie » (Sainte-Beuve). Par ailleurs, trouvant toujours le trait qui cingle, Leclercq met en valeur l'intention satirique, passant de la peinture amusée des mœurs bourgeoises (Le Mariage manqué ou On attrape plus de mouches avec du miel qu'avec du vinaigre) à la satire politique (Le Père Joseph ou Qui a bu boira). Le proverbe peut-il avoir de plus hautes ambitions ?
Alfred de Musset, à ses débuts, s'empare de ce genre à la mode et qui, de plus, présente beaucoup de souplesse[...]
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Écrit par
- Hélène LACAS : auteur
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