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PRUS ALEKSANDER GŁOWACKI dit BOLESŁAW (1847-1912)

L'un des meilleurs romanciers du positivisme polonais, Bolesław Prus, est né en Volhynie à une époque encore tout imprégnée de romantisme. Il a glorieusement participé à l'insurrection de 1863, le dernier des grands mouvements de libération de l'époque romantique. Sa formation sera celle d'un autodidacte et il gagnera sa vie comme ouvrier ou précepteur. Attiré par le journalisme, Prus est dès 1864 correspondant de divers quotidiens de Varsovie. À partir de 1875, le Courrier de Varsovie lui ouvre dans ses colonnes une « Chronique » hebdomadaire qui ne tarde pas à le rendre célèbre.

Le journalisme a été pour Prus une excellente école d'observation qui, alors qu'il était déjà sous l'influence d'Auguste Comte et de Spencer, l'a rendu sensible aux processus socio-économiques. Mais bientôt le journalisme ne lui suffit plus et à partir de 1879 Prus se fait connaître comme auteur de nouvelles : Michałko (1880), L'Orgue de barbarie (1880), Antek (1881), Le Gilet (1882) ; ou de récits : Le Reflux et Angélique (1880), Péchés d'enfance (1883). Ces œuvres révèlent son aptitude à brosser des portraits réalistes du petit peuple (les enfants surtout), et elles contiennent déjà cet humour plein de tendresse qui caractérise son style.

En 1883, Prus publie L'Avant-poste, le premier roman d'inspiration naturaliste. L'action se déroule à la campagne, près de Varsovie, vingt ans après l'abolition du servage. Un paysan nommé Slimak (« Escargot ») restera obstinément attaché à son lopin de terre qu'il refusera de vendre aux colons allemands. De toutes les œuvres de Prus, L'Avant-poste représente l'application la plus stricte des principes positivistes. L'auteur y dénonce avec beaucoup de force les maux dont souffre la société polonaise : égoïsme des nobles, passivité et conservatisme des paysans qui rendent difficile toute résistance nationale.

C'est dans La Poupée (1887-1889) que le réalisme de Prus atteint son sommet. L'axe de l'intrigue est constitué par les malheurs de Stanislaw Wokulski, issu de la petite noblesse : épris d'une belle aristocrate, Isabelle Lecka, il tente de la conquérir en faisant fortune dans le commerce. Son échec sentimental et financier, sa tentative de suicide, son déchirement intérieur entre l'idéalisme romantique et la nécessité de réussir à tout prix, autant d'éléments qui reflètent les contradictions internes de la société polonaise de la fin du xixe siècle. Les portraits de Prus sont précis et justes, qu'il s'agisse des aristocrates dégénérés, des nobles égoïstes, des bourgeois arrivistes ou bien des marginaux et des misérables. La Poupée est aussi un excellent roman psychologique. Renonçant à l'omniscience du narrateur, l'écrivain saisit ses personnages dans des situations existentielles où ils s'accomplissent. Il offre par ailleurs une composition ouverte qui annonce le roman moderne.

Dans son roman suivant, Les Émancipées (1891-1893), Prus n'a pas retrouvé le souffle qui anime La Poupée. Sa dernière grande œuvre est Le Pharaon (1897), roman historique qui évoque la lutte de Ramsès XIII contre la caste des prêtres, et ses tentatives pour introduire des réformes en faveur du peuple opprimé. Ce roman est une analyse des mécanismes du pouvoir en même temps qu'une réflexion sur le déclin qui guette toute société très hiérarchisée et fondée sur l'injustice sociale.

L'œuvre de Prus est à l'origine de la grande tradition du réalisme en Pologne, illustrée plus tard par Zeromski, Reymont et Maria Dabrowska.

— Maria DELAPERRIÈRE

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