PRUSSE
Un État qui se forme lentement, péniblement, par le développement parallèle de deux territoires pauvres à l'est de l' Allemagne. Une dynastie qui réunit ces territoires en 1618 et qui en fait, en près de trois siècles, une grande puissance allemande, européenne, mondiale. Une fin misérable et brutale qui raye de la carte le nom même de cet État : telle apparaît l'histoire de la Prusse. Les ambiguïtés ne manquent pas dans cette histoire. La Prusse, qui a donné son nom à l'État, n'a jamais appartenu au Saint Empire romain germanique. Le Brandebourg, au contraire, en était partie intégrante, et ses souverains comptaient parmi les sept princes électeurs possédant le privilège de désigner l'empereur.
Jusqu'en 1815, la Prusse est un État d'Europe orientale dont le centre de gravité se situe à l'est de l'Elbe. Les acquisitions aux dépens de la Pologne, en 1772, 1793 et 1795, ne font qu'accentuer ce caractère et laissent présager la formation d'un grand État germano-slave.
La société et l'économie sont caractéristiques de cette partie de l'Europe : de grands domaines appartenant à une aristocratie de nobles (les Junkers), non seulement seigneurs mais possesseurs du sol, dominant une masse de paysans dont la condition est voisine du servage ; des cultures extensives (blé et betterave à l'ouest, seigle et pomme de terre à mesure qu'on avance vers l'est) donnant lieu à une exportation par les ports de Königsberg et de Danzig. N'allons pas toutefois imaginer cette société comme purement rurale. Il existe, non seulement dans la capitale, mais à Magdebourg, à Breslau, à Königsberg, une bourgeoisie active et une industrie juxtaposant l'artisanat traditionnel et la manufacture, ancêtre de l'usine moderne. Des traités de 1815 naît une nouvelle Prusse. Elle perd, au profit de la Russie, une partie de ses provinces polonaises. Mais ce qu'elle acquiert dans la région du Rhin (Düsseldorf, Cologne, Aix-la-Chapelle, Trèves, Coblence) modifie sensiblement l'équilibre du royaume. La diminution de l'étendue (300 000 km2 en 1795, 280 000 en 1815) est largement compensée par l'accroissement de la population (elle passe de 8,7 à 11 millions) et surtout par la valeur économique des nouveaux territoires. Les bassins houillers d'Aix-la-Chapelle, de la Sarre et surtout de la Ruhr sont pour la Prusse un atout majeur au moment où commence à se développer la grande industrie de type capitaliste. Favorisée par l'Union douanière (Zollverein) qu'elle a créée et qu'elle dirige, la Prusse devient une grande puissance économique, cependant que sa victoire sur l'Autriche en 1866 lui donne l'étendue territoriale (348 000 km2 d'un seul tenant) qu'elle conservera jusqu'en 1919. À la fin du xixe siècle et au début du xxe, l'opposition entre l'ouest et l'est de la Prusse subsiste. Mais, si l'ouest concentre la majorité des grandes régions industrielles, la partie orientale n'est pas pour autant dépourvue d'industries : à celles qu'ont fait naître le charbon et les minerais de Haute-Silésie, la potasse et le lignite de la Saxe prussienne s'ajoutent un grand nombre d'usines : minoteries, sucreries, distilleries, appartenant souvent aux propriétaires du sol et où se transforment les produits de l'agriculture.
État disparate donc, et dont la cohésion n'a pu se maintenir qu'au moyen d'une forte centralisation. C'est le mérite des Hohenzollern de l'avoir compris, assurant ainsi la puissance de la Prusse. Celle-ci a survécu à l'abdication de Guillaume II en 1918. Mais la catastrophe de 1945 a frappé la Prusse plus durement que les autres parties de l'Allemagne.
Deux terres déshéritées
Le Brandebourg
L' origine du Brandebourg est à chercher[...]
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Écrit par
- Michel EUDE : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen
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