PHILON PSEUDO-
L'œuvre intitulée Liber Antiquitatum Biblicarum a été appelée le Pseudo-Philon par son premier éditeur, Jean Sichard, à Bâle en 1527. Elle porte en fait d'autres titres — De successione generationum ou Historia ab initio mundi — dans les nombreux manuscrits latins qui l'ont conservée durant le Moyen Âge. On possède une vingtaine de ces manuscrtits, qui vont du xie au xvie siècle. Les uns contiennent notre texte avec les Quaestiones et solutiones in Genesim et un fragment du De vita contemplativa. Les autres contiennent le texte seul ou avec des ouvrages non philoniens. En réalité, le livre ne doit rien à Philon d'Alexandrie. Son auteur est inconnu. C'est un juif du ~ ier siècle. L'édition de Sichard était oubliée, quand L. Cohn redécouvrit le livre en 1898. Le grand savant anglais M. R. James en donna en 1917 à Londres une excellente traduction avec une introduction, sous le titre The Biblical Antiquities of Philo (rééd., avec une centaine de pages de prolégomènes, par L. H. Feldman, New York, 1971). Pour le texte latin, on dispose de l'édition du manuscrit d'Admont réalisée par G. Kisch, Pseudo-Philo's Liber Antiquitatum Biblicarum (Notre Dame, Indiana, 1949), qui ne remplace pas cependant l'editio princeps de Sichard, devenue presque introuvable.
Le livre est un midrash qui reprend très librement le récit biblique, depuis Adam jusqu'à la mort de Saül. Dans les généalogies des Patriarches, l'auteur connaît les noms des douze fils et des huit filles d'Adam, mais aussi ceux des fils de Caïn et des sept villes fondées par lui. Le Déluge est l'occasion de deux discours divins inconnus de la Bible. Les descendants de Sem, Cham et Japhet sont bien différents de ceux de la Bible. Les récits de la tour de Babel et de la vie d'Abraham sont liés et comportent des épisodes très nouveaux. Des additions importantes ornent les récits sur Coré, Balaam, Jahel, etc. Un personnage nouveau apparaît, Kenaz, le premier Juge, dont le rôle est primordial. Plus que ces détails anecdotiques, c'est la doctrine du livre qui est originale. L'angélologie et surtout l'eschatologie y ont une place importante. Sous des apparences simplement « narratives », le livre, en effet, est tourné vers l'avenir. Il donne même des renseignements sur la date de la fin du monde (XIX, 14). L'interprétation en est très difficile, car la date repère est celle d'une prise de Jérusalem, qui peut être celle de ~ 70, mais aussi bien celle de ~ 63. Plusieurs spécialistes penchent pour la première date, d'autres, à juste titre, pour la seconde.
L'ouvrage ne comporte pas la moindre allusion aux chrétiens, ni la moindre polémique à leur égard. Mais il fait preuve d'une grande discrétion vis-à-vis du temple et du sacerdoce. Serait-ce un texte essénien ? Les rapprochements qu'on peut faire avec Qumrân sont peu probants, au premier abord. Pourtant il est difficile de classer l'auteur parmi les pharisiens ou les sadducéens. Deux éléments peuvent apporter quelque lumière. D'une part, l'ouvrage fait partie d'un ensemble auquel appartiennent aussi le Quatrième Livre d'Esdras et l'Apocalypse syriaque de Baruch. Il s'agit de textes apocalyptiques, qui, bien que strictement juifs, ont été conservés par les Églises chrétiennes et sont essentiellement préoccupés des problèmes d'eschatologie collective et individuelle. On peut considérer le Liber Antiquitatum comme le plus ancien de ces textes. D'autre part, la préoccupation constante des « combats de Dieu », l'exaltation du héros combattant comme témoin de l'Alliance, l'utilisation du cadre épique de la période des Juges amènent à penser que l'auteur appartient à un milieu proche de celui du Deuxième Livre des Maccabées. Sans aller jusqu'à voir dans[...]
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Écrit par
- Jean HADOT : professeur à l'Université libre de Bruxelles
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