- 1. Le traitement des contraires dans le travail du rêve
- 2. Du sens opposé des mots primitifs
- 3. Principe de contraste et représentation indirecte
- 4. Les formes classiques du dualisme freudien
- 5. La polarité du jugement
- 6. Les couples opposés de pulsions partielles
- 7. Couples d'opposés et polarités dans la genèse du moi
- 8. De la psychanalyse du jeune enfant à Lacan
- 9. Bibliographie
PSYCHANALYSE & CONCEPT D'OPPOSITION
Principe de contraste et représentation indirecte
Le « principe de contraste » (1900), où Freud voit la clef d'une organisation binaire des contenus mentaux et où trouvent appui les mécanismes du traitement des contraires dans le rêve, s'exprime déjà sous une forme particulière dans les textes de 1892-1896. Freud utilise alors la notion de « représentation de contraste » (Kontrastvorstellung) dans la description de processus relevant aussi bien du normal que du pathologique. Dans les processus normaux, les « projets » et les « attentes » comportent un certain degré d'incertitude subjective, une « contre-attente », qui se formule dans un ensemble, précisément, de « représentations de contraste ». Or le domaine des processus pathologiques se caractériserait par le fait d'un renforcement de ces représentations de contraste. Ainsi en serait-il, mais avec des effets différents, dans la neurasthénie et l' hystérie. Dans la neurasthénie, la représentation de contraste pénible est reliée « en un seul acte » à la conscience – par où s'expliquent la faiblesse de volonté, le pessimisme, la folie du doute, les phobies. En revanche, dans l'hystérie, en raison de la tendance au clivage et à la dissociation de la conscience, la représentation de contraste, ou encore « contre-représentation » (Gegenvorstellung), subit un refoulement et, dans la lutte contre l'intention consciente, s'objective comme « contre-volonté » (Gegenwille) sous la forme d'un symptôme moteur, d'une innervation corporelle. D'une manière différente encore, dans la névrose obsessionnelle, la contre-représentation demeure présente dans le conscient sous la forme d'un contre-symptôme de scrupulosité (Gegensymptom). Cette notion représente la première description produite par Freud du mécanisme de la formation réactionnelle, typique de la névrose obsessionnelle. Il y verra ultérieurement une forme de « transformation du contenu » de la pulsion refoulée, en rapport avec un renforcement de l'attitude consciente opposée (1892-1893, 1893, 1895, 1896, 1915, 1926).
Dans la période proprement fondatrice de sa pensée (1900-1905), il analyse d'autres conduites du registre normal à partir du même type de mécanismes que ceux qu'il mit en évidence dans l'étude du travail du rêve. Celui des lapsus, dont il désignait aussi la source dans la structure du Gegensinn, consiste dans le « remplacement d'un mot par son contraire ». Par ailleurs, l'oubli des noms s'explique souvent par l'opposition interne d'un couple de représentations : ainsi en est-il du couple « mort et sexualité » dans l'analyse célèbre de l'oubli du nom du peintre Signorelli (1901, 1916-1917). La représentation par le contraire (Darstellung durchs Gegenteil) représente la technique privilégiée du mot d'esprit (Witz). Souvent l'expression de la contradiction s'accompagne même d'un procédé de « surenchère ». Cependant, le mot d'esprit utilise également le « contraire » de ce procédé essentiel, c'est-à-dire la « représentation par le semblable ». D'autres techniques y sont mises en œuvre, que Freud propose de réunir avec les précédentes sous la rubrique très générale de « représentation indirecte » : le double sens (Doppelsinn), le contresens (Widersinn), le non-sens (Unsinn) et l'absurde, l'unification par condensation, le déplacement – en particulier par allusion –, la représentation par le détail ou par le menu, les fautes de raisonnement. La représentation par le contraire est le seul procédé utilisé par l'ironie, qui n'est pas l'esprit. Elle intervient aussi dans le comique, comme technique de « démasquage de l'automatisme psychique ». Freud insiste sur le fait que les techniques du mot d'esprit lui sont communes avec celles[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Émile JALLEY : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de psychologie et d'épistémologie à l'université de Paris-Nord
Classification
Autres références
-
INCONSCIENT
- Écrit par Christian DEROUESNE , Hélène OPPENHEIM-GLUCKMAN et François ROUSTANG
- 8 283 mots
- 2 médias
...Mais l'exclusion est-elle le seul mode de relation exprimé par la négation ? La plus élémentaire réflexion logique amène à considérer qu'un terme qui s'oppose à un autre le suppose et même l'inclut avant de l'exclure, et c'est bien cela que formule l'inconscient en utilisant un seul élément à ... -
LIBIDO
- Écrit par Pierre KAUFMANN
- 11 337 mots
- 1 média
...est-ce précisément sur la fonction de cette ligne de partage qu'interviendront les développements essentiels de la notion. Pour en résumer le principe, l'opposition de l'organisme au psychisme se doublera de l'opposition de l' inconscient au conscient, le processus organique ne se trouvant... -
LINGUISTIQUE ET PSYCHANALYSE
- Écrit par Jean-Claude MILNER
- 7 214 mots
On sait combien l'opposition actif/passif joue un rôle important dans la construction freudienne. En dehors même des exemples que nous avons cités, elle fonde un très grand nombre de concepts essentiels de la théorie. Or cette opposition ne se laisse bien définir que dans certaines traditions grammaticales.... -
OPPOSITION CONCEPT D'
- Écrit par Émile JALLEY
- 18 859 mots
- 4 médias
Freud distingue deux mécanismes du traitement des contraires dans le rêve : l'un est l'identification des contraires, l'autre est la transformation dans le contraire. Or, dans le texte intitulé Des sens opposés dans les mots primitifs (1910), il rapproche le premier des vues du linguiste...