- 1. Le traitement des contraires dans le travail du rêve
- 2. Du sens opposé des mots primitifs
- 3. Principe de contraste et représentation indirecte
- 4. Les formes classiques du dualisme freudien
- 5. La polarité du jugement
- 6. Les couples opposés de pulsions partielles
- 7. Couples d'opposés et polarités dans la genèse du moi
- 8. De la psychanalyse du jeune enfant à Lacan
- 9. Bibliographie
PSYCHANALYSE & CONCEPT D'OPPOSITION
Les formes classiques du dualisme freudien
Freud a toujours présenté les grandes dualités qui forment l'ossature de ses conceptions métapsychologiques sous le chef exclusif de la catégorie d'« opposition ». Celle-ci articule une grande variété de termes couplés, entretenant parfois, d'ailleurs, de complexes rapports d'interférence, en raison de la formulation progressive des vues freudiennes, situation qui pose notamment le problème de l'ajustement de la première topique (1900) à la deuxième (1920). Tout d'abord, c'est l'opposition entre les pulsions du moi ou pulsions d'autoconservation (la faim), œuvrant à la conservation de l'individu, et des pulsions sexuelles (l'amour), requises par la conservation de l'espèce (1913, 1920, 1925, 1938). Cette première opposition, dont Freud précise que chacun des termes comporte une double signification articulant la perspective psychologique et le « domaine biologique », correspond à la distinction entre les deux systèmes de l' appareil psychique, le préconscient-conscient (Pcs-Cs) et l'inconscient (Ics). Encore faut-il préciser que cette première opposition se dédouble, au niveau même de son premier terme, dès 1900, en une deuxième. Le système Pcs-Cs se décompose lui-même en deux sous-systèmes, le préconscient proprement dit (Pcs), dont la fonction spécifique est la « mémoire », et le système perception-conscience (Pc-Cs), défini comme « un organe des sens » ou encore « un système perceptif ». Or Freud postule, en accord avec Josef Breuer, l'incompatibilité des fonctions mnésique et perceptive, qui « s'excluent l'une l'autre dans les deux systèmes ». Une telle incompatibilité entraîne la distinction de deux censures entre les systèmes psychiques, l'une entre l'Ics et le Pcs-Cs, la seconde entre le Pcs proprement dit et le Pc-Cs.
Ultérieurement (1914), la reconnaissance d'un régime lui-même libidinal d'une « partie des pulsions du moi » aboutit à un remaniement de l'opposition entre pulsions du moi et pulsions sexuelles, qui se formule sous une « opposition nouvelle entre libido narcissique et libido objectale », soit encore entre amour du moi (Ichliebe) et amour de l'objet (Objektliebe). Le processus du refoulement est alors conçu comme « se passant à l'intérieur de la libido elle-même » (1914, 1920, 1925, 1938). Enfin, l'instauration de la deuxième topique définit, au sein du ça lui-même, une troisième forme d'opposition, entre « pulsions de vie et pulsions de mort », c'est-à-dire entre « l'amour et la haine », l' Éros et la « pulsion d' agression » ou de « destruction » (1920, 1925, 1932, 1933, 1937, 1938). En réalité, l'opposition métapsychologique entre pulsions de vie et pulsion d'agression est elle-même aménagée, sur le plan fonctionnel et clinique, par le mécanisme bipolaire transversal de l'union-désunion entre celles-ci (Vermischung-Entmischung), dont l'effet est d'en contrôler le « mélange » en proportions variables (1924, 1933). Par ailleurs, la libido aurait pour « tâche » de dériver en grande partie vers l'extérieur (Aussenwelt), sous forme de pulsion de destruction, de « volonté de puissance », l'investissement d'abord endogène de la pulsion de mort. On peut voir aussi dans un tel processus une forme particulière du mécanisme de renversement.
Concernant cette opposition ultime, « encore plus tranchée » que les précédentes, et en général à propos de sa « conception éminemment dualiste de la vie pulsionnelle », Freud s'est plu à indiquer plusieurs références. Tout d'abord, il attribue à Hering la distinction entre deux sortes de processus, présents au sein de la substance vivante, dont « l'un construit, assimile,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Émile JALLEY : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de psychologie et d'épistémologie à l'université de Paris-Nord
Classification
Autres références
-
INCONSCIENT
- Écrit par Christian DEROUESNE , Hélène OPPENHEIM-GLUCKMAN et François ROUSTANG
- 8 283 mots
- 2 médias
...Mais l'exclusion est-elle le seul mode de relation exprimé par la négation ? La plus élémentaire réflexion logique amène à considérer qu'un terme qui s'oppose à un autre le suppose et même l'inclut avant de l'exclure, et c'est bien cela que formule l'inconscient en utilisant un seul élément à ... -
LIBIDO
- Écrit par Pierre KAUFMANN
- 11 337 mots
- 1 média
...est-ce précisément sur la fonction de cette ligne de partage qu'interviendront les développements essentiels de la notion. Pour en résumer le principe, l'opposition de l'organisme au psychisme se doublera de l'opposition de l' inconscient au conscient, le processus organique ne se trouvant... -
LINGUISTIQUE ET PSYCHANALYSE
- Écrit par Jean-Claude MILNER
- 7 214 mots
On sait combien l'opposition actif/passif joue un rôle important dans la construction freudienne. En dehors même des exemples que nous avons cités, elle fonde un très grand nombre de concepts essentiels de la théorie. Or cette opposition ne se laisse bien définir que dans certaines traditions grammaticales.... -
OPPOSITION CONCEPT D'
- Écrit par Émile JALLEY
- 18 859 mots
- 4 médias
Freud distingue deux mécanismes du traitement des contraires dans le rêve : l'un est l'identification des contraires, l'autre est la transformation dans le contraire. Or, dans le texte intitulé Des sens opposés dans les mots primitifs (1910), il rapproche le premier des vues du linguiste...