- 1. Le traitement des contraires dans le travail du rêve
- 2. Du sens opposé des mots primitifs
- 3. Principe de contraste et représentation indirecte
- 4. Les formes classiques du dualisme freudien
- 5. La polarité du jugement
- 6. Les couples opposés de pulsions partielles
- 7. Couples d'opposés et polarités dans la genèse du moi
- 8. De la psychanalyse du jeune enfant à Lacan
- 9. Bibliographie
PSYCHANALYSE & CONCEPT D'OPPOSITION
Couples d'opposés et polarités dans la genèse du moi
La succession des étapes de la formation du moi, dont la structure est isomorphe par rapport à la dialectique précédente, met elle-même en jeu, dans le cadre coordonné d'une genèse de l'amour et de la haine, un ensemble complexe de deux systèmes d'opposition (Gegensätze), dont l'un se définit comme constitué de trois couples d'opposés (Gegensatzpaar), l'autre de trois polarités (Polarität). Dans ce deuxième volet de sa théorisation, Freud déplace le référentiel de la première analyse, en substituant à la notion de pulsion partielle celles d'amour et de haine. En réalité, cette seconde analyse concerne la genèse du moi comme objet total, d'un moi-total (Gesamt-Ich). Or l'amour et la haine se présentent non comme des pulsions, mais comme des « sentiments », autrement dit comme des tendances totales, qui expriment « les relations de ce moi-total aux objets comme ses sources de plaisir ». Par ailleurs, le moi-sujet de la première analyse n'y apparaît corrélé qu'au seul objet qu'est le corps – tout d'abord son propre corps, puis, dans un second temps, celui du partenaire pervers. Dans la seconde analyse, le moi-total est confronté à l'ensemble du non-moi, c'est-à-dire du monde extérieur comme objet lui-même total.
Pour mieux indiquer le jeu précis selon lequel s'articulent les termes des différents couples impliqués dans la série des niveaux de cette genèse du moi, elle-même ajustée à la genèse de l'amour et de la haine, on peut les présenter au moyen de symboles en lettres et chiffres. Le premier système d'oppositions concerne les trois couples d'opposés dans lesquels il est possible de faire entrer le terme « aimer » :
Le second système d'oppositions concerne « les trois grandes polarités qui dominent la vie psychique » et qui « se nouent de façon très significative les unes aux autres » :
Ces trois polarités sont qualifiées respectivement par Freud comme : réelle (P1-P2), économique (P3-P4), et biologique (P5-P6).
La double genèse des formes du moi et de l'opposition amour-haine s'effectue alors par la série d'étapes suivantes :
Cette suite d'expressions peut se commenter de la façon suivante :
(1) et (2). Dans la phase du moi-réalité initial, le moi-sujet est identifié au plaisir (P1 & P3). Le monde extérieur, qui n'existe pas encore pour le sujet (P2), est « indifférent pour ce qui est de la satisfaction » (G4). Dans cet état de narcissisme, le moi « n'aime que lui-même » (G1 + G3). L'amour de soi met en jeu, dans une certaine mesure, une dialectique interne isomorphe à celle des pulsions perverses sadomasochiste et scopique. Freud en établit le rapport en soulignant le rôle initial commun dans les deux registres du mécanisme de retournement de l'activité en passivité. Il souligne aussi la plausibilité d'une genèse ultérieure, à partir du narcissisme, de l'amour de soi, des deux figures, active et passive, de l'amour d'objet (aimer-être aimé) : (G1 + G3) → G1 ou G3.
(3) Cependant surgissent des excitations désagréables, soit d'origine pulsionnelle interne – (P1 & P3) P4 –, soit de provenance externe, auxquelles s'associent éventuellement des « sources de plaisir » – P4 & P3 –, bien que le monde extérieur n'existe toujours pas.
(4) Le moi projette hors de lui les sensations internes de déplaisir – (P1 & P3) P4 → – et introjecte en lui les objets sources de plaisir – ←P3 (P4).
(5) et (6) Le moi-réalité initial « se transforme ainsi en un moi-plaisir purifié qui place le caractère de plaisir au-dessus de tout autre » (P1 & P3). Cependant, le monde extérieur a acquis une existence indépendante ; il est mis à distance en tant qu'espace du déplaisir[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Émile JALLEY : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de psychologie et d'épistémologie à l'université de Paris-Nord
Classification
Autres références
-
INCONSCIENT
- Écrit par Christian DEROUESNE , Hélène OPPENHEIM-GLUCKMAN et François ROUSTANG
- 8 283 mots
- 2 médias
...Mais l'exclusion est-elle le seul mode de relation exprimé par la négation ? La plus élémentaire réflexion logique amène à considérer qu'un terme qui s'oppose à un autre le suppose et même l'inclut avant de l'exclure, et c'est bien cela que formule l'inconscient en utilisant un seul élément à ... -
LIBIDO
- Écrit par Pierre KAUFMANN
- 11 337 mots
- 1 média
...est-ce précisément sur la fonction de cette ligne de partage qu'interviendront les développements essentiels de la notion. Pour en résumer le principe, l'opposition de l'organisme au psychisme se doublera de l'opposition de l' inconscient au conscient, le processus organique ne se trouvant... -
LINGUISTIQUE ET PSYCHANALYSE
- Écrit par Jean-Claude MILNER
- 7 214 mots
On sait combien l'opposition actif/passif joue un rôle important dans la construction freudienne. En dehors même des exemples que nous avons cités, elle fonde un très grand nombre de concepts essentiels de la théorie. Or cette opposition ne se laisse bien définir que dans certaines traditions grammaticales.... -
OPPOSITION CONCEPT D'
- Écrit par Émile JALLEY
- 18 859 mots
- 4 médias
Freud distingue deux mécanismes du traitement des contraires dans le rêve : l'un est l'identification des contraires, l'autre est la transformation dans le contraire. Or, dans le texte intitulé Des sens opposés dans les mots primitifs (1910), il rapproche le premier des vues du linguiste...