- 1. Le traitement des contraires dans le travail du rêve
- 2. Du sens opposé des mots primitifs
- 3. Principe de contraste et représentation indirecte
- 4. Les formes classiques du dualisme freudien
- 5. La polarité du jugement
- 6. Les couples opposés de pulsions partielles
- 7. Couples d'opposés et polarités dans la genèse du moi
- 8. De la psychanalyse du jeune enfant à Lacan
- 9. Bibliographie
PSYCHANALYSE & CONCEPT D'OPPOSITION
De la psychanalyse du jeune enfant à Lacan
La notion de couple de termes a été largement utilisée par les représentants de la psychanalyse du très jeune enfant – tout d'abord pour décrire la relation duelle d'un type particulier entre l'enfant et le partenaire nourricier. Elle concerne aussi le mécanisme spécifique du clivage, dans ses diverses variétés selon les auteurs. Par ailleurs, ceux-ci font un usage diversifié, selon leurs perspectives, des concepts d'interaction, de projection-introjection, d'alternance, dont l'origine est la philosophie « postkantienne ».
À propos de la relation primitive entre la mère et l'enfant, René Spitz a introduit la notion de dyade (1954). Il avoue emprunter ce concept au sociologue Georg Simmel. Il le précise aussi par référence au concept de « foule à deux », utilisé par Freud pour caractériser la relation hypnotique. Il assimile également cette notion à celle de « couple symbiotique mère-enfant », introduite à peu près à la même époque par Margaret Mahler (1952). Donald W. Winnicott (1965) utilise la notion de « couple nourricier » (nursing couple), qu'il déclare emprunter à Middlemore-Merell (1941), tout en se référant aussi à M. Mahler. Ce couple, selon lui, illustre sous sa forme la plus primitive « la structure individu-environnement ». Anna Freud a repris cette notion de couple mère-enfant (1968) en la rapportant également à Mahler. Spitz décrit cette dyade mère-enfant comme étant structurée selon l'« inégalité des participants ». La dyade est animée par un « processus de réverbérations circulaires, une série d'interactions dans un cadre social ». Les représentants de l'Ego psychology (Heinz Hartmann, Ernst Kris et Rudolf Lœwenstein) ont de même insisté sur l'interaction primitive du vécu mère-enfant (1964), comme M. Mahler, qui en décrit le fonctionnement en termes de « langage interactif » (1968). John Bowlby, pour sa part, décrit la relation primitive de l'enfant à son entourage comme déterminée par le mécanisme particulier de l' attachement, qui serait commun à l'ensemble des primates. Or ce mécanisme fonctionne en rapport avec un système de contrôle asservi par un processus d'interaction (feed-back).
Par ailleurs, du point de vue général des modèles explicatifs, les représentants de la psychanalyse du jeune enfant font aussi un large usage du concept d'interaction entre deux principes couplés représentant respectivement le facteur endogène et le facteur exogène de la psychogenèse : maturation-développement (Hartmann, Kris, Lœwenstein 1946, Spitz 1954) ; maturation-entourage (Spitz 1954) ; maturation-environnement (Winnicott 1958, 1965). Dans cette perspective, Spitz considère le développement de l'enfant comme étant à la fois continu et discontinu, comme reposant sur l'intégration par paliers, séparés par des points critiques, de « tendances diamétralement opposées » (1954, 1957, 1965). Ces points critiques correspondent à l'installation d'un nouvel « organisateur », par exemple la réponse-sourire à trois mois.
Melanie Klein a fait un usage complexe de l'alternance entre les deux phases du double mécanisme d' introjection et de projection. La fonction cardinale de celui-ci consiste à aménager la dualité originaire et conflictuelle de la pulsion de vie et de la pulsion de mort. La projection opère sur les deux espèces de pulsions, bien que son rôle défensif essentiel consiste à défléchir la pulsion de mort. Sa mise en œuvre aboutit à un double clivage : interne entre une partie libidinale et une partie destructrice du moi ; externe entre un bon et un mauvais sein. Le moi reprend alors par introjection le bon objet, cependant qu'il peut aussi recevoir en retour l'objet mauvais, vécu comme persécuteur. Le mécanisme bipolaire de la projection-introjection,[...]
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Écrit par
- Émile JALLEY : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de psychologie et d'épistémologie à l'université de Paris-Nord
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