PSYCHANALYSE (théories et pratiques)
La situation de la psychanalyse contemporaine n'est indépendante ni de ses origines, ni de son évolution – tant sur le plan pratique et technique que sur le plan théorique –, ni de la situation présente du politique et de la culture. En outre, le statut même de la psychanalyse, discipline hybride, « sang-mêlé », selon une formule dont Freud se sert pour le fantasme, rend impossible une délimitation stricte de son champ. Elle est au carrefour de la psychiatrie, de la psychologie, du phénomène de la croyance et de la poésie.
La psychanalyse est proche précisément de la psychiatrie dans son rapport à la folie, aux diverses formes de folie, dans son rapport à la pathologie mentale. Mais, dans le même temps, elle en diffère radicalement, du fait du fonctionnement même du savoir psychiatrique et de la position que le praticien assume à l'égard du patient. Il en est de même par rapport à la psychologie dans ses disciplines multiples.
Elle est voisine de la croyance, puisqu'elle met en jeu, dans le déroulement de la cure, le rapport d'assujettissement et de soumission au pouvoir supposé d'un autre sur le patient, au savoir, inconnu de celui-ci, que l'autre posséderait sur lui.
La psychanalyse, enfin, est au plus près de la poésie (« lente hésitation entre le son et le sens », selon Paul Valéry), puisque, dans son résultat, elle est une forme de travail sur le langage : l'aptitude pour un sujet à reformuler dans sa parole le discours de ses origines, à échapper aux vœux astrologiquement présentés par les bonnes fées parentales à sa naissance et à tracer son propre sillon dans l'existence.
À ces titres divers, la psychanalyse échappe à tout modèle scientifique, qu'il soit formel et rigoureux, comme le modèle mathématique, ou qu'il soit non rigoureux mais exact, comme les modèles physique et biologique.
C'est pourquoi, plutôt que de définir la situation irréductible de la psychanalyse à partir de ses institutions, toutes plus ou moins marquées par une dimension centripète – la formation et le statut des psychanalystes –, il convient d'envisager les problèmes à partir de la singularité de cette pratique et de cette institution minimale qui se trouve organisée par l'espace divan-fauteuil, par la relation entre le psychanalyste et 1'« analysant » (terme désormais reçu pour désigner le sujet en psychanalyse).
Place de la psychanalyse
Le rapport à la culture
L'œuvre psychanalytique de Freud est inséparable de ses travaux sur la culture, alors que certains voudraient restreindre l'objet de l'analyse à une clinique et à une nosologie, à une entreprise théorique et clinique indépendante de la culture, quasi intemporelle, avec une visée classificatoire de traits ou de symptômes dont un sujet serait le porteur ou le support mais qui ne seraient pas l'expression de celui-ci.
L'hystérie, par exemple, est fille de cette époque et ne se manifeste plus aujourd'hui sous les mêmes formes qu'au temps de Charcot ou de Freud. Il en va ainsi de toutes les formes de pathologies du rapport à l'autre que couvre le champ de la névrose. Alors qu'il n'en est pas de même du domaine de la psychose, laquelle, se situant au lieu même de constitution et d'élaboration des objets internes et externes d'un sujet, est généralement ou davantage marquée du signe tragique de l'intemporalité.
La recherche de Freud va donc de pair dès le début avec une interrogation sur la culture, ce dont témoignent, par exemple, « La Morale sexuelle civilisée et la maladie nerveuse des temps modernes » (1908, in La Vie sexuelle, P.U.F., 1969), Totem et Tabou(1914) et Malaise dans la culture (1929) – interrogation qui, grâce à la psychanalyse, partait d'une position d'extraterritorialité par rapport à des instances surmoïques culturelles trop prégnantes et[...]
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Écrit par
- Jacques SÉDAT : psychanalyste, membre d'Espace analytique, secrétaire général de l'Association internationale d'histoire de la psychanalyse
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Média