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PSYCHANALYSE

Sens et altérité

C'est, en effet, en tant que refus d'un savoir que le refoulement est originairement conçu. « Quand, à la première entrevue, je demandais à mes malades s'ils se souvenaient de ce qui avait d'abord provoqué le symptôme considéré, les uns prétendaient n'en rien savoir, les autres me rapportaient un fait dont le souvenir, disaient-ils, était vague, et auquel ils ne pouvaient rien ajouter [...]. Par mon travail psychique, je devais vaincre chez le malade une force psychique qui s'opposait à la prise de conscience (au retour du souvenir) des représentations pathogènes [...]. Sans doute s'agissait-il justement de la force psychique qui avait elle-même concouru à la formation du symptôme hystérique en entravant, à ce moment-là, la prise de conscience de la représentation pathogène. » Or, à mesure que s'est affirmée l'originalité de la psychanalyse par rapport à l' abréaction cathartique, à mesure aussi s'est déterminé en son affinité aux sanctions du jugement l'acte par lequel s'opère la levée du refoulement. « La théorie du refoulement, écrit Freud en 1927, est devenue le pilier de la théorie des névroses. Le but de la tâche thérapeutique a cessé d'être l'abréaction de l'affect engagé sur des voies erronées, elle vise à la découverte des refoulements et à leur solution grâce à des activités de jugement, pouvant résulter en une assomption (Annahme) ou une exclusion (Verwerfung) de ce qui avait été autrefois écarté. » Ainsi se dégage la question majeure de la théorie psychanalytique : de quelle nature doit être le refoulé, s'il est vrai que l'expérience analytique donne de telles opérations logiques pour caractéristiques de sa restitution ? Dans le droit fil de la pensée psychanalytique, la lecture contemporaine de Freud se propose comme une réponse à cette interrogation.

Pour en saisir la nécessité, il suffira de se reporter à la présentation donnée par Otto Fenichel en 1946 du travail de l' interprétation : « Que fait l'analyste ? 1o Il aide le patient à éliminer les résistances autant qu'il est possible. Bien qu'il puisse y appliquer des moyens variés, fondamentalement l'analyste appelle l'attention du patient, qui n'est absolument pas averti de ses résistances, ou l'est insuffisamment, sur les effets de ces résistances. 2o Sachant que ses propos sont en réalité des allusions à d'autres choses, le psychanalyste essaye d'en déduire ce qui gît derrière les allusions et d'en informer le patient. Quand il y a un minimum de distance entre l'allusion et ce à quoi il est fait allusion, l'analyste donne au patient des mots pour exprimer les sentiments qui affluent à la surface, et facilite ainsi leur prise de conscience. Cette procédure consistant à déduire ce que le patient veut dire en fait et à le lui dire est appelée interprétation. »

« Donner des mots au refoulé », la formule se rencontre effectivement chez Freud – mais dans la période de la cure cathartique. Il s'agit donc d'en suivre l'approfondissement ultérieur sur le terrain propre du discours analytique. Le commentaire de la Gradiva de Jensen, explicitement proposé par Freud comme une représentation de la cure, nous précise en quelles directions.

Tout d'abord, l'analyse du discours. « Toute personne ayant lu la Gradiva, écrit Freud, a dû être frappée par la fréquence avec laquelle le romancier met dans la bouche de ses deux héros des discours à double sens. » Or, dans le traitement psychothérapique d'un délire ou d'une affection analogue, on provoque souvent chez le malade l'éclosion de pareils discours ambigus qui constituent de fugitifs symptômes nouveaux, et l'on peut aussi soi-même être amené à en user, ce qui met en éveil la compréhension du malade pour[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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L'exil de Freud - crédits : Keystone/ Getty Images

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