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PSYCHANALYSE

Interprétation et construction

La psychanalyse, on le sait, a pris naissance à la rencontre de l'investigation clinique de l'hystérie et de l'auto-analyse de Freud. De la première sont issues la conception du sens du symptôme et la découverte du transfert en tant que noyau de la définition des névroses de transfert ; la seconde a mis au jour les mécanismes d'élaboration des processus primaires ; et l'analogie des deux domaines donne alors assise à la représentation intégrée de la structure psychique, sous son double aspect topique et dynamique. En principe, se trouvaient donc, dès ce moment, réunis les éléments d'une articulation entre la sphère du sens et la dimension de l'altérité : celle-ci est d'abord et fondamentalement impliquée dans la définition même du désir, différencié du besoin par la hantise de la source originelle de satisfaction, c'est-à-dire de la première présence tutélaire ; et elle l'est également dans le phénomène de transfert. En vertu, cependant, des conditions de fait de la découverte freudienne, tout se passe comme si l'approche des processus primaires par les voies de l'auto-analyse avait initialement privilégié les processus de sens par rapport à la dimension de l'altérité. Une attention profonde à la fonction qu'a pour le sujet en développement son « semblable » (Mitmensch) est attestée par l'Esquisse pour une psychologie scientifique, alors que la représentation de l'appareil psychique proposée par le viie chapitre de La Science des rêves n'en fait aucunement état. On comprend, dans ces conditions, que l'expérience du transfert soit d'ores et déjà reconnue alors que la théorie n'en est pas véritablement abordée, réduite qu'elle est à la notion de « liaison erronée » ; et, de façon générale, que l'épistémologie de ce « refus de savoir » qu'est le refoulement hystérique – et dont l'essence ainsi comprise vaut précisément à la force qui la sous-tend sa qualification de « force psychique » – prenne pour centre la falsification des rapports de sens, dans l'attente du fondement qui reste à lui donner en autrui.

Or cette situation s'est entièrement renouvelée, et nous avons la chance de disposer du témoignage même de Freud pour préciser sous quelles exigences. Celles-ci sont d'ordre clinique ; elles prennent leur départ de la mise en évidence du processus de régression, caractéristique de la psychose, et dont l'analyse découvrira qu'il met en jeu, au premier chef, les vicissitudes de la relation d'altérité.

Phases de l'organisation sexuelle et intersubjectivité

Il convient en effet de distinguer, selon les termes de l'Introduction à la psychanalyse (1916), entre deux sortes de régression : retour aux premiers objets marqués par la libido, et qui sont de nature incestueuse ; retour de toute l'organisation sexuelle à des phases antérieures. Or, souligne Freud, « comme cette dernière régression manque dans l' hystérie et que toute notre conception des névroses se ressent encore de l'influence de l'étude de l'hystérie, qui l'avait précédée dans le temps, l'importance de la régression de la libido ne nous est apparue que beaucoup plus tard que celle du refoulement. Attendez-vous à ce que nos conceptions connaissent de nouvelles extensions et modifications, lorsque nous aurons à tenir compte, en plus de l'hystérie et de la névrose obsessionnelle, des névroses narcissiques. »

Trois étapes, en fait, se sont succédé avant que cette évolution s'impose dans toute sa portée, à la fois théorique et épistémologique. Elle prend forme avec l'analyse de la paranoïa de Schreber (1911). Mais l'intérêt porté par Freud à la paranoïa lui est évidemment bien antérieur, et il est remarquable que ce soit[...]

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  • : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

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L'exil de Freud - crédits : Keystone/ Getty Images

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