- 1. La tentation des modèles
- 2. Sens et altérité
- 3. Interprétation et construction
- 4. Des mythes transférentiels à la mythologie des pulsions
- 5. Les développements de la technique
- 6. Phénoménologie et logique
- 7. Historicité du symbolique
- 8. Sujet et signifiant
- 9. Être et pensée
- 10. Une logique de l'impossible
- 11. Bibliographie
PSYCHANALYSE
Les développements de la technique
À l'historicité des sujets répond la conception de la technique, et d'abord la mise en œuvre de la « règle fondamentale » de l'« expression libre ». Nous avons la chance d'en suivre l'émergence sur le témoignage même de Freud, à la fin des Études sur l'hystérie ; et peu de textes s'y égalent pour nous donner la mesure de la portée souveraine à laquelle est appelé le plus modeste des gestes empiriques, du seul fait qu'il se produit à sa juste place : « un petit tour de main technique », nous dit Freud, est exigé des cas les plus graves d'hystérie, alors que l'insistance « n'est pas de taille » à surmonter la « résistance associative » ; on doit alors songer, en effet, à « un moyen plus puissant » ; opération scandée, en vérité, en une succession de phases, dont chacune déploiera ultérieurement, et sous des formes assurément bien différentes, l'une des dimensions fondamentales de la technique. « J'informe mon patient, nous dit Freud, que je vais, dans l'instant qui suivra, exercer une pression sur son front, je l'assure que, pendant tout le temps que durera cette pression, un souvenir surgira en lui sous la forme d'une image ou se présentera à son esprit. » Au procédé de pression qui relève de la muséographie de sa préhistoire, on sait que la psychanalyse substituera l'action du transfert. Mais, ajoute Freud, « je lui fais une obligation de me faire part de cette image ou de cette idée, quelles qu'elles puissent être. Il ne doit pas les taire, même s'il pense qu'elles n'ont aucun rapport avec ce qu'on recherche, qu'il ne s'agit pas de cela ou encore s'il les trouve désagréables à révéler. Aucune critique, aucune réserve, même pour des raisons d'affection ou de mésestime ! » Voilà donc posée la règle de l'expression libre. Mais un détail essentiel manque encore : « Alors, dit Freud, j'exerce pendant quelques secondes une pression sur le front du malade allongé devant moi et lui demande ensuite, d'un ton tranquille [souligné par nous], comme si la déception était impossible : Qu'avez-vous vu, ou à qui avez-vous pensé ? »
Dès cette époque, et par une divination chez lui constante, Freud pressentait déjà que le développement de ces divers moments sanctionnerait la mise en évidence de leur fonction médiatrice au sein de leurs véhicules matériels. « Je n'ignore naturellement pas, écrit-il, que je pourrais remplacer par quelque autre manœuvre ou quelque autre action corporelle mon action sur le front [...]. Mais l'avantage du procédé tient au fait que grâce à lui j'arrive à détourner l'attention du malade de sa recherche et de ses réflexions conscientes, bref de toutes les choses qui pourraient traduire sa volonté ; tout cela rappelle ce qui se passe lorsqu'on fixe un globe de cristal, etc. Mais chaque fois je découvre ce que je cherche par cette pression de la main, d'où la conclusion suivante : la représentation pathogène prétendument oubliée est là à portée de la main [sic, souligné par nous], on y accède par des associations facilement accessibles, il ne s'agit ainsi que de supprimer un certain obstacle qui semble ici encore être la volonté du patient. » Dégageons donc, comme le suggère Freud, ce « petit procédé technique », ce « tour de main », de son premier support, rendons-le à sa pure fonction de médiation : à l'expression libre émanant de l'analysant, c'est-à-dire à l'expression libérée de l'exigence d'appropriation inhérente à l'énonciation, répond, du côté de l'analyste, un certain ton, une certaine position de repos de la voix. Et tout l'art de l'intervention est déjà ici engagé.
Car il s'agit[...]
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Écrit par
- Pierre KAUFMANN : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
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Média
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