- 1. La tentation des modèles
- 2. Sens et altérité
- 3. Interprétation et construction
- 4. Des mythes transférentiels à la mythologie des pulsions
- 5. Les développements de la technique
- 6. Phénoménologie et logique
- 7. Historicité du symbolique
- 8. Sujet et signifiant
- 9. Être et pensée
- 10. Une logique de l'impossible
- 11. Bibliographie
PSYCHANALYSE
Sujet et signifiant
Rappelons cependant, en un premier temps – pour la mettre d'abord en perspective, dans la période 1953-1964, où Lacan s'emploie à doter les praticiens de la psychanalyse d'un organon à leur mesure –, la série des repères linguistiques et logiques dont le contrepoint présidera, dans les années qui suivront, à la dialectique de cette grande logique à laquelle la praxis psychanalytique tiendrait lieu d'illustration. Lacan, à cet égard, nous sert de guide dans la distribution qu'il opère de ses premiers séminaires (dans L'Identification, 15 nov. 1961), selon qu'ils visent le signifiant (Écrits techniques, 1953-1954 ; Psychoses, 1955-1956 ; Formations de l'inconscient, 1957-1958 ; Éthique, 1959-1960 ; Identification, 1961-1962) ou le sujet (Moi, 1954-1955 ; Relation d'objet, 1956-1957 ; Désir, 1958-1959 ; Transfert, 1960-1961). D'un mot, les premiers font appel, sous l'impulsion de Claude Lévi-Strauss, de Roman Jakobson et d'Émile Benveniste, aux ressources offertes par les divers courants de l'analyse linguistique. Ainsi s'introduisent, notamment, les thèmes de la concaténation de l'imaginaire (1953), de l'irréductibilité du signifiant du nom du Père (1955), de la fonction de la métaphore et de la métonymie (1957), de la prohibition de l'inceste en tant que condition de subsistance de la parole (1959). Les seconds développent les prémisses d'une interprétation renouvelée de la logique : probabilités de transition et absorption dans l'acception de Markov (1954), dialectisation du manque (1956), logique de l'altérité (1958). Linguistique de la chaîne signifiante, logique de la réalisation du sujet – entre ces deux pôles, et de manière à en promouvoir dialectiquement la correspondance (1961) se produit l'émergence du sujet de la scotomisation du signifiant : « La présence du signifiant dans l'Autre est en effet une présence fermée au sujet pour l'ordinaire, puisque ordinairement c'est à l'état de refoulé qu'elle y persiste » et que « de là elle y persiste pour se représenter dans le signifié par son automatisme de répétition ». Or, ainsi que l'écrira Lacan, « la puissance redoutable que Freud invoque à réveiller du sommeil où nous la tenons assoupie la Grande Nécessité n'est nulle autre que celle qui s'exerce dans le Logos [...]. C'est la répétition elle-même dont autant que Kierkegaard il renouvelle pour nous la figure : dans la division du sujet, destin de l'homme scientifique. » (Écrits, p. 387).
En quoi l'excentricité du sujet en son rapport à l'Autre régit-elle donc l'économie de la chaîne signifiante ? En d'autres termes, dans quel rapport le sujet a-t-il à se situer par rapport au signifiant ? La formalisation de Boole trouvera son approfondissement en 1961 avec l'appui de la sémiotique de C. S. Peirce, à laquelle Lacan emprunte, en la combinant avec celle de Saussure, sa définition du signifiant comme « ce qui représente un sujet pour un autre signifiant ». Dans cette vue, l'élaboration d'une « logique élastique » du signifiant se marque alors – sur le thème de l'identification (1961) – dans l'interprétation critique de la proposition universelle : à la classe vide, selon le modèle du quadrant de Peirce, et en relation avec la logique du nombre chez Frege, est assignée une fonction principielle dans la genèse du trait identificatoire ou trait unaire de la théorie des ensembles. Cette logique s'exprime dans la figuration de l'exclusion proposée par Morgan et par Peirce, en prolongement des cercles d'Euler. Et, sur cette base, la représentation graphique, antérieurement ordonnée à la cinématique des processus, cédera la place – sous l'inspiration du graphe existentiel de Peirce (« mon chef-d'œuvre », disait ce dernier) – à la représentation d'une dynamique par le[...]
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Écrit par
- Pierre KAUFMANN : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
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