- 1. La tentation des modèles
- 2. Sens et altérité
- 3. Interprétation et construction
- 4. Des mythes transférentiels à la mythologie des pulsions
- 5. Les développements de la technique
- 6. Phénoménologie et logique
- 7. Historicité du symbolique
- 8. Sujet et signifiant
- 9. Être et pensée
- 10. Une logique de l'impossible
- 11. Bibliographie
PSYCHANALYSE
Être et pensée
En 1964, cependant, succède à l'élaboration d'un organon la restitution de la dialectique sous-jacente à la psychanalyse. Dans cette vue, l'analyse des opérations logiques dont se soutient le cogito porte au niveau d'une critique de l'ontologie la genèse précédemment développée du rapport du signifiant au sujet.
Le sujet se constitue, en effet, de l'éclipse d'un signifiant ; plus précisément et en vertu de la définition même du signifiant, il émerge, comme sujet désirant, du renvoi métonymique d'un signifiant éclipsé dans la représentation qui est donnée de lui par un autre signifiant.
Le cogito présenté dans la formule d'une disjonction non exclusive – « ou je ne pense pas, ou je ne suis pas » – en vue de l'application des lois de Morgan, se traduira, en tant que réunion de deux ensembles, comme l'expression d'une aliénation. En effet, un même élément pouvant appartenir à chacun des deux ensembles, la réunion ou ensemble formé des éléments appartenant au moins à l'un d'entre eux a pour conséquence un « ni l'un ni l'autre » : de part ou d'autre, un manque. En l'occurrence, et compte tenu de ce que le sens se constitue au lieu de l'Autre, si j'opte pour l'être, le sujet s'éclipse, tombe dans le non-sens ; si j'opte pour le sens, celui-ci est « écorné » de cette partie de sens que nous désignons comme inconscient (Les Quatre Concepts). Le processus est engendré par le développement originaire du signifiant, dont la fonction induit la disparition de l'être, laquelle éclipse une partie du champ de l'Autre.
Envisageons, par ailleurs, la partie commune aux deux ensembles S et A, c'est-à-dire leur intersection. Dans le registre où nous sommes situés, le manque ouvert par la carence de l'Autre (que me veut-il ?) recouvre le manque du sujet, fondant la dialectique du désir. Et par là se trouve tracée la voie de retour du vel de l'aliénation, le sujet revenant à ce point où il s'engendre d'un manque et se caractérise par son éclipse.
Nous aurions donc posé, sur un fondement logique, mais d'une logique prenant relief de ses impasses, les deux dimensions de l'aliénation et de la vérité. Un premier corollaire de la structure ainsi manifestée concerne le « je ». Dire (Logique du fantasme, 1967) que le « je ne pense pas » est écorné du « sens » fait porter l'accent de la négation sur le « je », lequel « n'est, d'être pas, pas sans être » : ce qui nous désigne le ça. Tandis que le « pense », complémentant le « je ne suis pas », désigne l'inconscient.
Formellement, on peut alors observer que la structure ainsi dégagée n'est pas sans analogie avec un groupe de Klein, groupe doté d'un coin quart, constitué d'opérations dont chacune représente son essence dans son résidu et qui tient sa valeur représentative de ce que « s'y close le cycle par quoi l'impasse du sujet se consomme de révéler sa vérité ».
Mais quelle est la portée de cette théorisation ? Aurait-elle à s'autoriser de normes et de critères qui lui soient extérieurs (y aurait-il une vérité de la vérité ?), alors qu'il appartient précisément à l'expérience psychanalytique d'exhumer dans la scission subjective la vérité du désir inconscient ? La démarche de Lacan consiste, au contraire, à faire émerger la problématique de la vérité des variations de la structure quaternaire dont on vient de suggérer l'esquisse.
L'impulsion est donnée par une interprétation critique de la dialectique hégélienne du maître et de l'esclave, rapportée à la topologie des quatre « lieux » – initialement qualifiés de « sites » – de la vérité, de l'agent (initialement repéré comme[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre KAUFMANN : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Média
Autres références
-
CORPS - Le corps et la psychanalyse
- Écrit par Monique DAVID-MÉNARD
- 3 971 mots
Le corps est, en psychanalyse, une réalité difficile à penser, car elle défie les approches physiologiques et philosophiques, et décisive pourtant, puisque la sexualité humaine – considérée dans la jouissance ou dans des activités sublimatoires – a pour terrain le corps érogène, le corps capable...
-
ENFANCE (Les connaissances) - Enfant et psychanalyse
- Écrit par Colette MISRAHI
- 5 210 mots
Ce serait une erreur de considérer la psychanalyse comme un corpus scientifique constitué une fois pour toutes, comme un système clos du savoir. Non seulement elle est un système ouvert, mais elle est constitutivement ce qui, dans l'ordre de la connaissance, doit être perpétuellement repensé,...
-
LACAN JACQUES (1901-1981)
- Écrit par Patrick GUYOMARD
- 6 797 mots
Jacques Lacan a dominé pendant trente ans la psychanalyse en France. Il l'a marquée de son style ; il y laisse une trace ineffaçable. Aimé et haï, adoré et rejeté, il a suivi sa voie sans s'en écarter, ne laissant personne indifférent, s'imposant même à ceux qui ne voulaient pas de lui. Pour les psychanalystes,...
-
LINGUISTIQUE ET PSYCHANALYSE
- Écrit par Jean-Claude MILNER
- 7 214 mots
La question des rapports entre la psychanalyse et la linguistique est compliquée par deux facteurs. D'une part, ces rapports ont évolué ; ils ont en effet été si profondément transformés par l'œuvre de Jacques Lacan qu'on peut parler à cet égard de coupure. D'autre part, ces rapports ne sauraient se...
-
LITTÉRATURE & PSYCHANALYSE
- Écrit par Jean BELLEMIN-NOEL
- 7 706 mots
Comment les apports de la psychanalyse peuvent-ils nous aider à apprécier les œuvres littéraires ? Quel bénéfice la critique, quel profit l'art de bien lire et d'aider les autres à mieux lire peuvent-ils retirer d'un savoir qui vise principalement la connaissance et la correction...
-
PSYCHANALYSE (théories et pratiques)
- Écrit par Jacques SÉDAT
- 6 689 mots
- 1 média
La situation de la psychanalyse contemporaine n'est indépendante ni de ses origines, ni de son évolution – tant sur le plan pratique et technique que sur le plan théorique –, ni de la situation présente du politique et de la culture. En outre, le statut même de la psychanalyse, discipline hybride, «...
-
PSYCHANALYSE & CONCEPT D'OPPOSITION
- Écrit par Émile JALLEY
- 14 048 mots
La découverte des processus inconscients, liée à celle du conflit intrapsychique, se formule fréquemment sous la plume de Freud par le vocable d' opposition (Gegensatz) et, à l'occasion, par l'un de ses dérivés, d'une importance théorique particulière, le concept de couples...
-
PSYCHANALYSE & PEINTURE
- Écrit par Jean-François LYOTARD
- 7 920 mots
On peut examiner le rapport de la psychanalyse avec l'art de bien des façons qui toutes peuvent se recommander de Freud. Plutôt que d'entreprendre à nouveau un recensement, mieux fait par d'autres (P. Kaufmann, 1971 ; J.-F. Lyotard, 1969 ; S. Kofman, 1970), de cet éventail, on préfère ici proposer une...
-
RELIGION - Religion et psychanalyse
- Écrit par Antoine VERGOTE
- 3 731 mots
- 1 média
N'étant pas une vision du monde, la psychanalyse, pour Freud, est en principe neutre par rapport à la religion ; celui-ci affirme cependant aussi qu'« en tant que doctrine de l'inconscient psychique elle peut devenir indispensable à toutes les sciences traitant de la genèse de la...
-
SEXUALITÉ, psychanalyse
- Écrit par Claude CONTÉ et Moustapha SAFOUAN
- 4 983 mots
Chacun sait aujourd'hui que la psychanalyse a inscrit le rapport à la sexualité au centre de l'expérience humaine et de sa problématique. Disons plus exactement : c'est en tant qu'elle est foncièrement conflictuelle que la sexualité s'inscrit au cœur de la vie psychique, laquelle se trouve...
-
ACTING OUT
- Écrit par Pierre-Paul LACAS
- 1 161 mots
Acting out, expression anglaise utilisée principalement en psychanalyse et en thérapie de groupe pour désigner une transgression de la règle fondamentale de verbalisation, dans l'association libre, ou celle du « faire comme si », dans le psychodrame, l'acting out définit un...
-
AFFECTIVITÉ
- Écrit par Marc RICHIR
- 12 228 mots
...qu'elle est une théorie remarquablement cohérente des « passions » et qu'elle échoue complètement à saisir l'affectivité. L'affect, terme technique de la psychanalyse, n'y est en effet que « l'expression qualitative de la quantité d'énergie pulsionnelle et de ses variations » (J. Laplanche et J.-B. Pontalis).... -
AGRESSIVITÉ
- Écrit par Pierre KAUFMANN
- 3 103 mots
L'importance qu'a prise le concept d'agressivité dans le dernier état de la pensée freudienne tient à la position privilégiée qu'il occupe au point d'articulation, d'une part, des processus régressifs auxquels préside la pulsion de mort, d'autre part, de l'organisation...
-
AMBIVALENCE, psychanalyse
- Écrit par Sylvie METAIS
- 1 182 mots
- 1 média
C'est le psychiatre suisse Eugen Bleuler (1857-1939) qui a introduit ce terme et en a fait le symptôme dominant dans le tableau de la schizophrénie. Il distingue tout d'abord l'ambivalence dans trois secteurs de la vie psychique : dans les modalités de la volonté, deux volontés qui s'opposent...
- Afficher les 121 références