PSYCHIATRIE DE LA PERSONNE ÂGÉE
Principaux troubles psychiatriques de la personne âgée
Les troubles de l'humeur
La dépression
La dépression est la deuxième cause d'invalidité chez les personnes âgées, après les pathologies cardiovasculaires. Le taux de prévalence de cette maladie chez les plus de 65 ans varie significativement selon la population étudiée. En population générale, l’enquête ESPRIT (Enquête de santé psychologique. Risques, incidence et traitement) réalisée en 1999-2001 a retrouvé chez 1 863 sujets âgés d’au moins 65 ans et non institutionnalisés une prévalence ponctuelle de la dépression majeure de 3,1 % et vie entière de 26,5 %. Dans une autre enquête de Santé publique France datée de 2017, chez les 65-75 ans, la prévalence de l’épisode dépressif caractérisé déclaré au cours des douze derniers mois est de 2,7 % chez les hommes et de 7,9 % chez les femmes. Mais, si l’on s’intéresse aux personnes résidant en institutions de type EHPAD, les chiffres de prévalence ponctuelle de dépression caractérisée dépassent les 30 %, atteignant dans certaines études plus de 40 %. Il faut d’ailleurs souligner que l'entrée en institution est l'un des facteurs de risque de survenue d'un épisode dépressif chez le sujet âgé. Pourtant, on déplore un manque de repérage de ces cas de dépression et de fait un filtre d’accès à des traitements efficaces.
Moins souvent diagnostiquée chez le sujet âgé, la dépression expose celui-ci à un risque majeur de complications au premier rang desquelles l'altération de la qualité de vie, la perte d'autonomie et le suicide. Ce défaut de repérage, et par conséquent de prise en charge thérapeutique adaptée, s'explique par trois facteurs essentiels : le moindre accès des sujets âgés aux avis spécialisés (moindre mobilité, manque de psychiatres sur les territoires de santé, formation insuffisante des médecins généralistes et des médecins coordonnateurs d'EHPAD), la croyance erronée et partagée qu'il est normal pour un sujet âgé de présenter des symptômes de type dépressif, et enfin l'expression clinique de la dépression qui peut être sensiblement différente chez le sujet âgé. Ce constat est d'autant plus à déplorer que les stratégies thérapeutiques habituelles, qu'elles soient biologiques ou psychothérapeutiques, sont efficaces chez le sujet âgé.
Sur un plan sémiologique, la dépression du sujet âgé se caractérise par des affects moins souvent verbalisés et par des plaintes somatiques plus fréquentes. La perte d’intérêt ou de plaisir pour les activités habituelles et le ralentissement psychomoteur, autres symptômes essentiels de la dépression, sont moins facilement évaluables chez les sujets en perte d’autonomie. En revanche, on note une plus grande fréquence des idées délirantes de persécution associées et un risque de passage à l’acte suicidaire plus élevé, en particulier chez l’homme âgé de plus de 75 ans.
Les modalités de traitement de la dépression chez le sujet âgé sont les mêmes que chez l’adulte plus jeune : antidépresseurs et psychothérapies ciblées. La prescription des antidépresseurs doit tenir compte des modifications pharmacodynamiques liées au vieillissement : diminution de l’absorption (par diminution de l’acidité et de la mobilité gastriques, mais aussi de l’afflux sanguin et de la surface gastro-intestinale), diminution de la fixation protéique par baisse de l’albuminémie, augmentation du volume de distribution des médicaments lipophiles et diminution du métabolisme hépatique et de l’excrétion rénale. Il faut, de surcroît, être vigilant quant à la polymédication et aux interactions éventuelles avec les cytochromes susceptibles de faire varier significativement les taux circulants des principes actifs. Le choix de la molécule est essentiellement fondé sur l’analyse des profils de[...]
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Écrit par
- Frédéric LIMOSIN : professeur, directeur médical, département médico-universitaire Psychiatrie et Addictologie, AP-HP Centre-Université de Paris
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