PSYCHOLOGIE ANIMALE ou ZOOPSYCHOLOGIE
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La psychologie animale (appelée psychologie comparée dans les pays anglophones) a pour objectif l'étude scientifique du comportement, des capacités d'apprentissage et de l’intelligence des animaux. Son ambition principale est de repérer les différences et les ressemblances comportementales et cognitives existant entre les différentes espèces animales ainsi qu'entre l'animal et l'homme.
Cette discipline est apparue à la fin du xixe siècle, en prolongement des conceptions darwiniennes concernant la continuité évolutive de l'activité mentale entre l'animal et l'homme. Les choix méthodologiques des premiers psychologues comparatistes étaient caractérisés par l'usage délibéré de méthodes d'investigation anthropomorphiques consistant à interpréter les comportements des animaux à partir des connaissances humaines. Ce courant a été remplacé, au cours de la première moitié du xxe siècle, par l'approche objectiviste des béhavioristes, qui vise à étudier le comportement animal en tant que tel.
Au-delà de l’école béhavioriste, la psychologie animale contemporaine est très influencée par les sciences cognitives, qui s'intéressent aux opérations les plus générales de la pensée (calcul, raisonnement, manipulation de symboles). Pour mener à bien son programme scientifique, elle fait appel à diverses méthodes empruntées aux techniques du conditionnement et de l'apprentissage ainsi qu'aux théories et aux procédures expérimentales de la psychologie humaine élaborées pour l'étude des processus cognitifs. Les recherches en psychologie animale recourent à l'expérimentation de laboratoire (dans le cadre d'un programme dit généraliste) et aux études effectuées sur le terrain ou dans un environnement naturel simulé (programme dit écologique). Ces études abordent les fonctions étudiées en psychologie cognitive, c'est-à-dire la perception, la mémoire, la résolution de problèmes, les représentations du temps, de l'espace, la reconnaissance individuelle, ou encore la communication et même le langage. Pour ce dernier thème, la psychologie animale s'est intéressée aux capacités de certains mammifères marins (le dauphin, par exemple) et de certains primates (le chimpanzé, par exemple) leur permettant, à l'aide de différents types de supports, comme des gestes ou des symboles graphiques, de comprendre et de produire les rudiments du langage. Enfin, depuis les années 1980, on a tenté de mettre en évidence, chez ces mêmes espèces, des conduites intentionnelles et l'attribution de savoirs à d'autres congénères. Malgré les difficultés inhérentes à « l'interrogation » des animaux par les chercheurs, l'étude de la psychologie animale contribue à une meilleure connaissance de leur intelligence, et donc à une plus juste appréciation de la nôtre et de son histoire évolutive.
La naissance de la psychologie animale
La psychologie animale s'inscrit dans une conception biologique du comportement des organismes. Selon cette conception, les animaux sont dotés d'un certain nombre de caractères physiques (par exemple, les organes des sens) qui constituent des phénotypes. Ceux-ci conditionnent l'apparence des animaux sous le double contrôle de l'information génétique (le génotype) et des effets rétroactifs du milieu. Pour le processus biologique d'adaptation des organismes, le milieu agit sur les expressions matérielles et tangibles. De ce point de vue, le comportement, en tant que caractère phénotypique, est le plus susceptible de subir l'effet de l'environnement et de réagir à celui-ci.
C'est à Charles R. Darwin que l'on doit la formulation selon laquelle les mécanismes principaux de l'évolution des espèces (adaptation et sélection naturelle), y compris l'homme, ont été appliqués à l'ensemble des caractères phénotypiques, c'est-à-dire aux organes, mais aussi aux comportements. L'hypothèse novatrice de Darwin a été de soutenir que les capacités intellectuelles se sont graduellement perfectionnées sous l'effet de la sélection naturelle, au cours de l'évolution conduisant à l'apparition de l'homme. La principale proposition darwinienne a été d'affirmer que la différence entre les « facultés mentales » de l'homme et celles de l'animal n'est qu'une affaire de degré et non de nature. Cette thèse a permis de poser les bases de la psychologie comparée et a justifié l'éclairage apporté aux connaissances du fonctionnement d'une espèce donnée par l'étude de celles des autres espèces.
Si Darwin est le promoteur d'une certaine continuité entre les diverses espèces animales et l'homme, il n'a toutefois pas attribué l'ensemble des caractéristiques humaines aux animaux. En effet, il a remarqué que, au fur et à mesure que l'homme se civilisait, la sélection naturelle ne constituait plus la force principale des changements observés. Elle est remplacée par l'éducation, qui dote les individus de « facultés mentales » nouvelles comme le langage et ses capacités dérivées (conscience, croyance) ainsi que de la « faculté morale ».
Les méthodes de la psychologie, disponibles à l'époque de Darwin, se réduisaient presque exclusivement à l'introspection. Cependant, l'usage de l'introspection n'est pas réalisable avec les animaux. Pour les étudier, il était seulement possible de les observer et d'interpréter leurs comportements et leurs attitudes en fonction du même cadre de référence que celui qui est utilisé pour comprendre les activités humaines. Mais cette approche, prônée par les premiers psychologues comparatistes, comme George Romanes à la fin du xixe siècle, a conduit à un anthropomorphisme dangereux. Cette dérive a fait l'objet de nombreuses critiques de la part de Loyd Morgan, chercheur attaché à une conception objectiviste, et qui, avec d'autres, a mis en garde les successeurs de Darwin contre les dangers qu'il y avait à expliquer une action par une faculté supérieure quand elle pouvait l'être à un niveau inférieur. Les positions anthropomorphiques de certains psychologues darwiniens ont favorisé l'avènement du béhaviorisme de John Watson et de Burrhus Frederic Skinner. Cette école a étudié la psychologie de l'animal, comme d'ailleurs celle de l'homme, en s'en tenant au strict domaine de ce qui est observable, à savoir des stimuli (correspondant aux diverses informations provenant de l'environnement) et des réponses ou réactions de l'organisme. Elle exclut l'étude des activités internes qui ne sont pas directement observables.
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Écrit par
- Jacques VAUCLAIR : professeur émérite des Universités
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