PSYCHOLOGIE COGNITIVE
Cognition et infrastructure cérébrale
Le fonctionnement cognitif, chez tous les organismes pourvus d'un système nerveux, est tributaire de l'intégrité et du bon fonctionnement de celui-ci. Les liens historiques de la psychologie et des sciences du cerveau sont l'expression d'une démarche légitime, visant à comprendre la manière dont les propriétés du système nerveux permettent à la pensée de se construire et de s'exprimer dans les interactions de l'individu avec son environnement. Au demeurant, cette démarche est aujourd'hui la forme la plus accomplie d'un effort qui s'est développé, au long des décennies postérieures à celles du behaviorisme radical, en vue de caractériser les mécanismes internes permettant de faire le lien entre les deux réalités objectives accessibles à la description et à la mesure : le stimulus et la réponse comportementale. Dans cet esprit, l'époque cognitiviste évoquée plus haut avait vu émerger diverses « constructions hypothétiques », parmi lesquelles celle des « variables intermédiaires », chaînons explicatifs assurant la liaison entre les situations perçues et les sorties comportementales, et susceptibles de moduler l'expression de ces dernières. Un pas de plus fut franchi lorsqu'il fut envisagé de donner à ces événements internes un plein statut cognitif, ce qui se produisit avec l'introduction de concepts comme ceux de « carte cognitive » ou de « représentation mentale ».
C'est encore un pas supplémentaire – mais cette fois-ci qualitativement distinct – qui a été franchi lorsque l'effort pour identifier des niveaux plus « profonds » de la cognition, avec une valeur explicative renforcée, a visé l'activité cérébrale. Ce que le scientifique saisit alors, c'est l'activité de l'organe même qui est le support fonctionnel de l'activité cognitive. Les notions d’activité cérébrale et d’activité cognitive ne sont pas censées se réduire à une seule et même notion, mais les mesures cérébrales sont prises comme le corrélat fonctionnel des processus cognitifs postulés. La psychologie inclut alors dans son domaine non seulement une théorie des processus cognitifs, mais la prise en compte du substrat neuronal sur lequel s'appuie la cognition.
Dans son histoire, la psychologie s'est très tôt intéressée aux indicateurs physiologiques associés aux états de conscience. Cet intérêt s'est également manifesté à travers les efforts menés en vue d'identifier les mécanismes cérébraux corrélatifs des activités mentales et d'atteindre des niveaux explicatifs plus étroitement reliés aux événements biologiques survenant sur le tissu nerveux. Certains conçoivent que l'on se dirige aujourd’hui vers une fusion des programmes de la psychologie et des neurosciences, voire, à l’extrême, vers la disparition programmée de la psychologie cognitive comme discipline autonome.
L'étude des fonctions cognitives s'est faite, au long des années, sans référence obligée à la matérialité de leur support biologique. Ceci étant noté, il est de fait que le développement des sciences du cerveau au cours des décennies récentes et la possibilité offerte par des technologies avancées (comme les méthodes de neuro-imagerie) d'accéder à des réalités structurales et fonctionnelles au sein du cerveau créent de nouvelles obligations. Les modèles de la cognition ne peuvent plus ignorer les contraintes que le substrat physique impose aux traitements cognitifs. De plus, dans le domaine des sciences du cerveau, selon un phénomène de différenciation analogue à celui qu'a connu la psychologie elle-même, les disciplines les plus proches de la psychologie se sont progressivement rassemblées sous l'appellation « neurosciences cognitives » ou encore « neurosciences computationnelles[...]
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Écrit par
- Michel DENIS : directeur de recherche au CNRS
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