PSYCHOLOGIE DE LA RELIGION
Avancées
Que savons-nous aujourd’hui en psychologie de la religion avec plus de précision qu’il y a quelques décennies ? Résumons ici quelques traits essentiels de ces avancées.
– Premièrement, la foi religieuse ou la spiritualité ne sont pas universelles au niveau des individus. Elles constituent un pattern spécifique d’attitudes offrant un ensemble de réponses par rapport à des questions existentielles et à des fonctions psychologiques qui, elles, sont universelles.
– Deuxièmement, la religion et la spiritualité ne se basent pas sur un sentiment, un besoin, une motivation psychologique unique ou spécifique. Par exemple, elles n’ont pas comme unique fonction la connexion avec une certaine réalité perçue comme transcendante ou le dépassement moral de soi. Elles assurent ou au moins rencontrent, à leur manière, plusieurs fonctions, probablement l’essentiel des fonctions psychologiques reprises dans la pyramide des besoins de Maslow (besoins physiologiques, sécurité, amour et appartenance, estime de soi et autoréalisation) ou dans la pyramide plus récente de Douglas Kenrick et de ses collaborateurs, d’inspiration évolutionniste, qui inclut en outre les besoins de statut, d’acquisition et de rétention de partenaire, ainsi que de parentalité.
– Troisièmement, les implications de la religiosité individuelle ainsi que les effets des stimuli religieux sur les attitudes et les comportements des gens sont souvent de taille modeste. La taille des effets dépend d’autres variables individuelles et contextuelles. En outre, les croyances, les pratiques ou l’appartenance à un groupe religieux ne constituent pas nécessairement les causes directes des faits observés, mais plutôt des indices qui suggèrent l’interaction entre plusieurs facteurs psychologiques explicatifs sous-jacents. Toutefois, ce qui surprend, c’est l’étendue des effets ou prédicteurs psychologiques de la religion. Cette dernière joue un rôle sur la psychologie humaine à travers un grand nombre de domaines : concept de soi, identités personnelle et collective, fonctionnement intrapsychique, régulation émotionnelle, cognitions, valeurs, attitudes et comportements moraux, relations interpersonnelles et intergroupes, sexualité, mariage, famille, travail, loisirs, choix économiques, préférences politiques, développement personnel, santé et bien-être. Cela n’est peut-être pas sans lien avec le caractère intégraliste, voire holiste, de la religion et des attitudes religieuses.
Enfin, la croyance et l’incroyance présentent chacune des « bénéfices » et des « coûts » psychologiques. Il serait scientifiquement illégitime, y compris à partir de la recherche existante, de donner une évaluation globale sur le caractère positif ou négatif du ratio entre les deux. Ce qui est intellectuellement stimulant, c’est d’étudier les contextes dans lesquels le ratio bénéfices/coûts devient positif ou négatif. Par exemple, quand les bénéfices de la religion pour le bien-être outrepassent ses influences négatives sur l’autonomie individuelle ? Également, sur un plan plus macroscopique, comme celui de la psychologie évolutionniste, il est intéressant de cerner les raisons qui expliqueraient quand et comment la religiosité est en phase avec les fonctions adaptatives de la psychologie humaine ou quand elle s’en écarte.
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Écrit par
- Vassilis SAROGLOU : professeur ordinaire, université catholique de Louvain (Belgique), responsable du Centre de psychologie de la religion
Classification
Autres références
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RELIGION - Religion et psychanalyse
- Écrit par Antoine VERGOTE
- 3 731 mots
- 1 média
...lois psychologiques dégagées par Freud sont également repérables au niveau de l'observation, même si l'inconscient n'y est pas directement vérifiable. La psychologie de la religion se trouve ainsi dotée de principes d'interprétation et d'organisation. En second lieu, Freud a démontré l'existence d'un lien...