- 1. Qu’est-ce qu’une émotion ?
- 2. L’émotion est-elle une expression ?
- 3. L’émotion est-elle une réaction corporelle ?
- 4. L’émotion est-elle une motivation ?
- 5. L’émotion est-elle un ressenti ?
- 6. L’émotion est-elle une cognition ?
- 7. Comment les émotions sont-elles régulées ?
- 8. L’émotion favorise-t-elle la connaissance ?
- 9. Bibliographie
PSYCHOLOGIE DES ÉMOTIONS
L’émotion est-elle une cognition ?
L’idée selon laquelle notre réponse émotionnelle est déclenchée par les valeurs que nous attribuons à telle ou telle situation remonte au moins à Aristote et a été soutenue par des philosophes tels que Spinoza. Plus récemment, la révolution cognitive en psychologie a constitué le fondement de théories cognitives des émotions qui considèrent que l’« évaluation cognitive » d’une situation est la cause principale des changements dans les composantes de la réponse émotionnelle. Ainsi, des auteurs comme Magda Arnold ou Richard Lazarus ont utilisé le terme appraisal pour décrire le processus par lequel un individu procède à l’évaluation d’une situation afin de déterminer notamment l’importance de cette situation pour son bien-être, ainsi que sa capacité à faire face aux conséquences de cette situation. L’objectif principal de ces théories est d’expliquerla causedes réactions émotionnelles (expressions, réponses périphériques, tendances à l’action, ressentis-sentiments, etc.), alors que les autres théories s’intéressent peu à la manière dont ces réactions sont provoquées et se focalisent plutôt sur l’étude de ces réactions elles-mêmes. L’approche proposée par Lazarus et Smith a consisté à analyser les thèmes principaux qui relient l’interprétation des situations à des émotions ; par exemple, si un individu interprète une situation comme « une offense dégradante contre soi ou les siens », cela déclenche typiquement de la colère ; si une situation est interprétée comme « une perte irrévocable », cela déclenche de la tristesse ; si l’individu considère qu’il « progresse vers la réalisation d’un but », cela déclenche de la joie. D’autres approches ont essayé de déterminer les dimensions fondamentales au déclenchement des émotions. Par exemple, le modèle des processus composants développé par Klaus Scherer propose qu’un certain nombre de critères d’évaluation président à l’émergence de telle ou telle émotion. Il détermine ainsi quatre objectifs évaluatifs : l’évaluation de la pertinence (« À quel point cet événement est-il pertinent pour moi ? Comment va-t-il m’affecter ? ») ;l’évaluation des implications (« Quelles sont les implications ou les conséquences de cet événement pour mon bien-être ? ») ;l’évaluation du potentiel de maîtrise(« À quel point vais-je pouvoir m’adapter ou m’ajuster à ces conséquences ? ») ; enfin,l’évaluation selon le concept de soi (« Quelle est la signification de cet événement en ce qui concerne mes standards internes ? ») et la signification normative (valeurs et normes sociales). Selon la manière dont certains de ces critères sont remplis, telle ou telle émotion émergera.
Historiquement, les mesures de l’évaluation cognitive ont d’abord utilisé des questionnaires. Cette approche, centrée sur le contenu cognitif verbalisable et accessible à la conscience, a été critiquée, car elle ne permettait pas d’étudier les processus plus automatiques considérés comme étant souvent à la base des émotions. Des études plus récentes ont montré que les évaluations cognitives peuvent être automatiques. En particulier, la mesure des temps de réaction ou de l’activité électrique cérébrale suggère que le processus d’appraisalpeut-être involontaire et que sa dynamique temporelle peut être très rapide. D’autres études empiriques s’intéressent à la manière dont les évaluations causent des modifications dans les muscles ou dans le système nerveux périphérique. Les bases cérébrales de ces évaluations sont examinées, avec par exemple la suggestion de considérer l’amygdale comme une région clé dans l’évaluation de la pertinence d’une situation par rapport aux buts, besoins et valeurs d’un individu. De manière générale, les méthodes d’imagerie cérébrale sont de plus en[...]
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Écrit par
- David SANDER : professeur à l'université de Genève, directeur du Centre interfacultaire en sciences affectives, Genève (Suisse)
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Média