PSYCHOLOGIE DIFFÉRENTIELLE
L'origine des différences individuelles
On s'est longtemps demandé si les différences entre individus étaient plutôt attribuables à l'hérédité ou plutôt au milieu, et dans quelles proportions. Dès le début du xxe siècle, et plus particulièrement dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, cette question a donné lieu à des débats et polémiques bien plus idéologiques que scientifiques ; les « héréditaristes » étant le plus souvent accusés de cautionner des positions sociales conservatrices. Le poids de l'hérédité est le plus souvent évalué à partir de comparaisons de jumeaux. Si on admet, ce qui ne va pas nécessairement de soi, que les jumeaux dizygotes élevés ensemble se distinguent par l'hérédité et par le milieu, tandis que les jumeaux monozygotes, également élevés ensemble, ne se distinguent que par le milieu, alors plus sera grand l'écart moyen entre la ressemblance intrapaire des uns et des autres plus le poids de l'hérédité sera important. Les « coefficients d'héritabilité » calculés à partir de ce principe donnent à l'hérédité un poids qui varie de 60 à 80 p. 100.
En psychologie humaine, ces mesures n'ont guère de signification pour deux raisons principales. En premier lieu, les mesures d'héritabilité concernent des populations et non des individus. L'héritabilité serait de 0 p. 100 si la population était parfaitement homogène génétiquement, de 100 p. 100 si le milieu était rigoureusement identique pour tous les individus qui constituent la population. En second lieu, le calcul de l'héritabilité repose sur un postulat insoutenable, à savoir que l'hérédité et le milieu agissent indépendamment et ont des effets qui s'ajoutent alors qu'ils sont en interaction. De nombreux exemples montrent que les effets du génotype ne sont pas les mêmes selon le milieu, ou, ce qui est la même chose, que les effets du milieu ne sont pas les mêmes pour tous les génotypes. L'« effet de couple » fournit un bon exemple d'interaction. Lorsque l'on compare des jumeaux monozygotes élevés ensemble et des jumeaux monozygotes élevés séparément, on s'attend à ce que la ressemblance intrapaire soit plus forte chez les premiers et c'est ce que l'on observe avec des mesures d'intelligence. Mais, avec certains traits de personnalité (l'extraversion et l'anxiété notamment), l'inverse est observé : ce sont ceux qui ont été élevés séparément qui se ressemblent le plus ! Ce constat cesse d'être paradoxal si on le situe dans le processus de formation de la personnalité. En situation de couple, les jumeaux ont besoin de se différencier, ce qui n'est pas nécessaire lorsqu'ils sont élevés séparément. Tout se passe comme si la situation gémellaire était un obstacle à l'expression du patrimoine génétique. Pour la plupart des conduites, on observe des effets du milieu et des effets de l'hérédité sans qu'il soit possible d'évaluer leur poids respectif. Les développements de la génétique ont renouvelé le problème hérédité-milieu et ont confirmé le point de vue interactionniste, que le milieu soit défini au niveau cellulaire ou plus largement.
Les effets du milieu, nécessaires au développement du cerveau (épigenèse), ont été analysés indépendamment de toute préoccupation relative à l'hérédité. L'étude des enfants placés dans des institutions a permis de repérer les conditions d'accueil les plus souhaitables et les plus négatives pour leur développement. Les enfants adoptés tendent à avoir le niveau intellectuel de leurs parents adoptifs (mais ils s'ordonnent comme leurs parents biologiques et non comme leurs parents adoptifs). On a identifié des types de milieux familiaux, avec des pratiques éducatives dominantes plus ou moins favorables au développement[...]
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Écrit par
- Michel HUTEAU : professeur d'université honoraire
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