PSYCHOLOGIE DU LANGAGE ORAL
Le traitement de la parole n’est pas purement auditif
Lien production-geste
Tout d’abord, la production de la parole est accompagnée de gestes spontanés qui ont une fonction de communication (voir les travaux de S. Kita). Certains de ces mouvements portent du sens : ils accompagnent ou même remplacent la communication verbale. Certains gestes servent à pointer vers un référent, d’autres participent à la structuration du discours, ou encore renforcent la signification des énoncés. Les gestes manuels seraient produits, à la fois, pour aider le locuteur à structurer sa production et l’auditeur à améliorer la perception.
Lien vision-audition
Les échanges de paroles se déroulent souvent en face à face. En dehors de la radio et du téléphone, la perception/production de la parole est audio-visuelle, c’est-à-dire que les interlocuteurs ont accès aux informations concernant les mouvements des différents articulateurs (lèvres, mâchoire, etc.). Ces informations, loin d’être redondantes avec le signal auditif, lui sont au contraire complémentaires. Puisque les échanges se déroulent souvent dans un environnement bruité, la récupération de l’information concernant les mouvements du visage peut aider au décodage de la parole. En situation bruitée, le fait de voir le visage du locuteur permet de mieux distinguer les sons. Par exemple, il sera plus facile de détecter le son /o/ dans le mot « niveau » présenté en audio-visuel, plutôt qu’en audio seul. Le canal visuel permet donc, en présence de bruit, d’augmenter l’intelligibilité du son. Même lorsque le signal sonore n’est pas bruité, les auditeurs traitent les gestes labiaux. Le décodage des gestes labiaux améliore par exemple la compréhension d’un texte difficile, ou encore, permet à des bilingues de discriminer entre leurs deux langues. La célèbre illusion auditive (effet McGurk), dans laquelle un auditeur perçoit le son « da », si on lui fait entendre le son « ba », et qu’on lui fait voir, en même temps, l’image d’un locuteur qui produit le geste articulatoire correspondant au son « ga », montre que les informations visuelles et auditives sont fusionnées et intégrées automatiquement. Les recherches actuelles tentent d’examiner le décours temporel de cette intégration dans le processus de reconnaissance de la parole (voir les travaux de D. Massaro).
Lien orthographe-phonologie
Le traitement de la parole se fait également en lien avec une autre modalité : l’orthographe. Notre capacité à découper les mots en phonèmes dépend de l’apprentissage de l’orthographe. Les jeunes enfants ou les adultes illettrés n’ont pas cette « conscience phonémique ». Par ailleurs, une fois acquise, l’orthographe des mots est automatiquement activée quand les interlocuteurs les entendent ou les produisent. Lorsque des auditeurs doivent décider si deux mots présentés oralement riment, les temps de réponse sont plus courts pour les rimes dont l’orthographe est similaire (« glace » et « place ») que pour les rimes dont l’orthographe diffère (« glace » et « classe »). Les auditeurs ne prennent donc pas leur décision sur la seule base de la forme sonore, l’orthographe est activée et influence le traitement. Par ailleurs, la rapidité d’accès aux phonèmes semble dépendre de la fréquence de leur graphie. Un même phonème (/k/) sera plus rapidement reconnu dans un mot qui contient son expression orthographique la plus fréquente (« colis ») que dans un mot qui contient sa graphie la moins fréquente (« kilo »). Enfin, les auditeurs, influencés par l’orthographe, entendent même des sons qui n’ont pas de corrélat acoustique dans le signal de parole. Ils entendent le son /b/ dans « absurde » alors qu’il n’y est pas (dans « absurde », le b est prononcé /p/), et ne détectent pas le son /p/ alors qu’il y est pourtant présent. Pour résumer,[...]
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Écrit par
- Elsa SPINELLI : professeure de psychologie cognitive
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