PSYCHOLOGIE ET JUSTICE
De l’arrestation du suspect au jugement
Parallèlement à la nature des charges et aux éléments permettant de déterminer le degré d’implication et de responsabilité du mis en cause (suspect) dans les faits incriminés, de nombreux facteurs extralégaux peuvent influencer le déroulement et l’issue d’un procès. Les chercheurs en psychologie se sont alors penchés sur les processus de persuasion, de complaisance et de dissuasion à l’œuvre, non pas simplement pendant le procès, mais également avant celui-ci. La persuasion se définit comme une tentative de modifier l’attitude (orientation psychologique) d’une personne envers un objet d’attitude, comme celle d’un jury par exemple envers le mis en cause. La complaisance est différente de la persuasion, car c’est ici le comportement d’une personne que l’on cherchera à influencer et non pas son attitude. Enfin, la dissuasion correspond à prévenir la cible (par exemple, le jury) du risque d’influences exercées par certains des protagonistes du procès (par exemple, les avocats de la partie adverse) afin d’en limiter les effets.
Les informations médiatisées avant le procès et leur traitement cognitif
Il n’est pas rare qu’un procès soit discuté dans la presse avant son ouverture. L’audience (téléspectateurs, auditeurs ou lecteurs de presse écrite) peut ainsi accéder aux éléments d’une affaire via les médias. L’influence de la couverture médiatique d’une affaire est telle que son effet est attesté jusque sur la prise de décision judiciaire. Pour comprendre cette influence avant le procès, il convient de s’intéresser aux caractéristiques des communicants, comme à celles de l’audience et des informations transmises avant le procès.
Par communicants, nous entendons toute personne susceptible de transmettre des informations à la presse : témoins, avocats, experts consultés par les journalistes ou les journalistes eux-mêmes. Deux qualités semblent particulièrement importantes pour comprendre leur pouvoir de persuasion : l’étendue de leurs connaissances et leur neutralité. En effet, plus un communicant est jugé expert dans son domaine, plus il gagne en crédibilité et plus son influence immédiate est grande. Pour autant, les déclarations d’un communicant crédible ne sauraient infléchir l’opinion de l’audience si son impartialité est questionnée.
Du côté de l’audience, le niveau de connaissances élevé ou faible qu’elle a d’une affaire détermine le niveau de traitement des informations délivrées et, à terme, leur pouvoir de persuasion. Ce traitement différencié de l’information est proposé par les théories à processus duels, dont le modèle de la probabilité d’élaboration (ELM) et le modèle du traitement heuristique et systématique (THS). Selon ces modèles, les membres d’une audience vont traiter les arguments communiqués de façon approfondie (examen central pour l’ELM ; examen systématique pour le THS) ou superficielle (examen périphérique pour l’ELM ; examen heuristique pour le THS). Un examen superficiel des informations est moins coûteux en termes de ressources attentionnelles. Deux facteurs augmentent donc la probabilité d’un examen minutieux des informations communiquées : la motivation et la capacité de l’audience à s’engager dans un tel traitement. À moins d’être particulièrement motivée, une audience peu documentée traiterait ainsi de façon plus superficielle les éléments médiatisés, simplement parce qu’un traitement approfondi serait cognitivement plus coûteux pour elle que pour une audience possédant de solides connaissances sur l’affaire. De plus, un traitement approfondi des arguments communiqués s’accompagnerait d’un changement d’attitude plus durable. Ce changement serait en revanche moins stable si l’audience traite de façon plus superficielle le contenu du message au profit des éléments annexes, comme la crédibilité des communicants ou leur sincérité.[...]
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Écrit par
- Fanny VERKAMPT : docteure en psychologie, maître de conférences en psychologie sociale expérimentale, université de Toulouse-Jean-Jaurès
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