PSYCHOLOGIE ÉVOLUTIONNISTE
Origines et thèses de la psychologie évolutionniste
Les origines de la psychologie évolutionniste remontent aux années 1980. Elles sont liées aux travaux du couple américain formé par l’anthropologue John Tooby et la psychologue Leda Cosmides, alors à Stanford University. Leur article de 1989 peut apparaître comme le manifeste fondateur de ce qui allait bientôt devenir une école, consacrée par l’institution du Centre pour la psychologie évolutionniste de l’université de Californie à Santa Barbara. Les thèses principales peuvent se résumer comme suit.
Le cerveau des membres de l’espèce humaine d’aujourd’hui est l’héritage d’une évolution biologique et des adaptations de l’époque des chasseurs-cueilleurs, correspondant au Pléistocène (2 millions d’années à 12 000 ans B.P.). Compte tenu de la lenteur des processus d’évolution biologique, il est peu probable que notre cerveau ait été modifié au cours des quelque dix à douze mille ans qui se sont dernièrement écoulés et qui ont vu les transformations du milieu de vie des humains – exigeant des adaptations inédites – se multiplier et se diversifier. Le problème crucial de l’espèce humaine, qu’il incombe à la psychologie d’élucider, est de se débrouiller avec un cerveau datant du Paléolithique dans le monde du second millénaire. La psychologie évolutionniste se base sur l’hypothèse de la mise en place de structures cérébrales propres à gérer les processus psychologiques adaptatifs en cette époque lointaine, inscrits dans le patrimoine inné de l’espèce, et qui permettraient les adaptations actuelles à un milieu culturel singulièrement modifié. Sur ce point central, la psychologie évolutionniste s’aligne sur les thèses innéistes adoptées par certains représentants du courant cognitiviste tels Chomsky et Pinker. À titre d’exemple du poids des modèles ancestraux, on peut évoquer la répartition des rôles masculins et féminins dans le monde contemporain. L’origine de cette répartition remonte plausiblement aux cultures préhistoriques des chasseurs-cueilleurs, où, en règle générale, les hommes se consacraient à la chasse, les femmes à la cueillette des végétaux. On voit dans les sociétés actuelles les difficultés à réaliser dans les faits les idéaux d’égalité proposés par l’évolution culturelle.
Équipés de l’outillage cérébral forgé au Pléistocène, comment parvenons-nous néanmoins à faire face à la diversité et à la complexité des situations caractéristiques des cultures humaines actuelles ? Une hypothèse simple, et largement répandue, fait intervenir une capacité générale d’ apprentissage ou d’adaptation applicable avec succès à tous les problèmes auxquels les êtres humains se trouvent confrontés une fois mise en route l’évolution culturelle. La psychologie évolutionniste écarte radicalement cette vue – désignée comme « modèle standard des sciences sociales » – au profit d’une conception modulaire de l’esprit. Notre équipement ancestral nous doterait de modules spécialisés exploitables pour des adaptations nouvelles. Par exemple, les subtils réglages de l’ équilibre mis en place par la bipédie interviendront dans le patinage ou le surfing.
Ces modules constitueraient le noyau de la nature humaine, au regard duquel les variations culturelles apparaîtraient relativement secondaires et fragiles.
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Écrit par
- Marc RICHELLE : professeur émérite, université de Liège, membre de l'Académie royale de Belgique
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