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PSYCHOLOGIE INTERCULTURELLE

La cognition humaine est-elle de même nature à travers les cultures ?

On peut distinguer les processus cognitifs de traitement de l’information (la catégorisation, l’attention, la mémoire) et la nature de l’information à traiter. Mentalement, nous pouvons classer des objets dans différentes catégories comme nous pouvons classer des personnes dans différents groupes. L’existence de différences culturelles dans ces opérations mentales est admise par tous. De manière traditionnelle, ces différences sont considérées comme relativement superficielles, relevant essentiellement de l’application des mêmes processus de traitement de l’information à des contenus différents. L’idée que les processus cognitifs eux-mêmes ne fonctionneraient pas de la même façon selon le contexte culturel représente le point de rupture le plus fondamental que cherchent à introduire les défenseurs de la psychologie culturelle. Les débats actuels dépendent donc de la signification que l’on accorde à certaines différences culturelles. Les êtres humains étant biologiquement constitués de la même façon à travers le monde, on peut supposer que la mémoire, l’intelligence ou le cerveau de tous les humains fonctionnent exactement de la même façon. En considérant que la culture et l’esprit humain sont inévitablement liés, et inséparables, la psychologie culturelle remet en question cette supposition.

L’essentiel de l’argumentation peut être expliqué en référence à l’analogie entre l’esprit humain et l’unité centrale de traitement de l’information d’un ordinateur. De manière traditionnelle, les psychologues expérimentalistes supposent que l’esprit humain est constitué des mêmes composants et obéit aux mêmes règles générales de fonctionnement quelle que soit la culture, comme l’unité centrale de traitement d’un ordinateur. Toutefois, pour la psychologie culturelle, plusieurs raisons amènent à penser que, très souvent, le fonctionnement de l’esprit humain n’est pas indépendant de la culture et que la compréhension des phénomènes de cognition demeurera incomplète tant qu’on ne tiendra pas compte du contexte culturel dans lesquels ils se déroulent. Contrairement à l’ordinateur, le cerveau humain change et évolue au cours du temps, en fonction de nos expériences. Étant donné que nos expériences influencent notre esprit, et que les cultures diffèrent quant aux genres d’expériences qu’elles procurent, certaines recherches ont voulu illustrer l’idée que la culture et l’esprit humain se façonnent mutuellement. Ainsi, les travaux de Shinobu Kitayama de l’université du Michigan utilisant l’imagerie par résonance magnétique (I.R.M.) ont montré que les régions du cortex préfrontal connues pour être impliquées dans le traitement des informations liées au soi sont activées lorsqu’on demande à des Chinois, ou à des Occidentaux, de porter des jugements liés à soi. Cependant, une différence culturelle intéressante est observée lorsque les participants doivent faire des jugements comparables à l’égard de leur mère. Dans ce cas, la même région cérébrale liée au soi est également activée, mais seulement chez les participants chinois. Ce résultat concorde évidemment avec l’idée de collectivisme et de soi interdépendant comme caractéristique de la culture chinoise, en opposition à l’individualisme et au concept de soi indépendant des Occidentaux. Les neurosciences culturelles qui s’intéressent à ces relations entre les valeurs et les pratiques culturelles, d’une part, et le fonctionnement du cerveau, d’autre part, vont sans doute se développer davantage dans les années qui viennent. Dépassant le stade de la simple constatation de différences, on peut s’attendre à ce que les recherches futures s’orientent de plus en plus vers l’étude des mécanismes permettant d’expliquer l’influence de la culture sur les cognitions et le comportement humain. [...]

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Écrit par

  • : professeur de psychologie sociale et cognitive, directeur du Laboratoire de psychologie sociale et cognitive (Lapsco), UMR 6024 du CNRS

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