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PSYCHOMOTRICITÉ

Expérience du corps et thérapie psychomotrice

Bien qu'elle garde une certaine valeur nosologique, la classification de Wallon a suscité, quant à ses principes, maintes critiques : tout d'abord celle d'être une survivance des conceptions anatomo-cliniques qui dépeçaient les fonctions en rapportant chacune de leurs composantes à un organe ou centre nerveux, conceptions elles-mêmes tributaires de la théorie jacksonienne de la hiérarchisation des niveaux fonctionnels selon laquelle chaque niveau supérieur, en tant que tel plus complexe, plus organisé, plus volontaire, contrôle le niveau inférieur ; en outre, il s'avère que les stades réalisés en pathologie ne sont que la caricature grossière de ceux par lesquels passe l'enfant normal. Autrement dit, la perspective wallonienne pâtit du postulat discutable du parallélisme entre le pathologique et le normal et de la déduction du premier à partir du second, postulat qui a été réfuté par Goldstein et plus récemment par Georges Canguilhem.

Il convient donc de corriger cette classification des syndromes et la conception conjointe des types, en leur prêtant aux uns et aux autres une justification plus clinique qu'anatomo-pathologique. Wallon, d'ailleurs, nous y invite lui-même en soulignant le rôle de la relation avec autrui dans la formation, les perturbations et la complexion personnelle de la psychomotricité. C'est ainsi que, développant sa théorie de l'émotion comme relation tonique et exploitant l'apport psychanalytique mal apprécié par Wallon, J. de Ajuriaguerra a assoupli et élargi le tableau des troubles psychomoteurs : il met l'accent autant sinon plus sur leur signification relationnelle, affective et pulsionnelle que sur leur infrastructure anatomo-physiologique. La psychomotricité serait à lire comme un langage, l'expérience du corps comme un dialogue tonique. On est conduit par là à prendre en considération de manière privilégiée des signes tels que les tics, le bégaiement, l'énurésie, l'anxiété, la dyslexie, la dysgraphie, et, par extension, les perturbations névrotiques, psychosomatiques et psychotiques.

On comprend dès lors que le même auteur définisse la thérapie, ou rééducation psychomotrice, comme une « technique qui, par le truchement du corps et du mouvement, s'adresse à l'être dans sa totalité. Elle ne vise pas la réadaptation fonctionnelle en secteur et encore moins une survalorisation du muscle, mais la fluidité du corps dans l'environnement. Son but est de permettre de mieux se sentir, et ainsi, par un meilleur investissement de sa corporalité, de se situer dans l'espace, dans le temps, dans le monde des objets et de parvenir à un remaniement et à une harmonisation de ses modes de relation avec autrui ». Cette thérapie inclut donc aussi bien des techniques kinésithérapiques (comme l'hydrothérapie, le massage, la vibrothérapie, l'électrothérapie), psychosomatiques (relaxation) ou gymnastiques (exercices d'équilibration, de coordination, manipulation), sportives (sports individuels et collectifs), artistiques (théâtre, danse, mime, peinture) que psychothérapiques et plus précisément psychanalytiques (entre autres, psychodrames, jeux avec poupées, verbalisation spontanée par récits imaginaires, entretiens avec dessins).

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Écrit par

  • : agrégé de philosophie, docteur ès lettres et sciences humaines, professeur à l'université d'Avignon

Classification

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