Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PSYCHOPHARMACOLOGIE

Article modifié le

Antidépresseurs

Généralités

Les premiers traitements antidépresseurs sont les imipraminiques et les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO). Les imipraminiques sont découverts dans les années 1950, à la suite de l’observation par le psychiatre suisse Roland Kuhn (1912-2005) d’une amélioration nette de l’humeur chez des patients présentant une schizophrénie, pour lesquels l’imipramine, initialement considérée comme un traitement antipsychotique, était prescrite. À la fin des années 1980 apparaissent la classe des antidépresseurs ISRS, puis celle des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline (IRSNA), associée à une meilleure tolérance clinique que les imipraminiques et les IMAO.

Les antidépresseurs sont classés en plusieurs groupes selon leur action supposée sur les systèmes monoaminergiques (ISRS, IRSNA, IMAO) ou leur structure moléculaire (antidépresseurs tricycliques). Un dernier groupe d’antidépresseurs (classé « autres antidépresseurs »), n’appartenant à aucune de ces catégories, vient compléter cette liste.

Les inhibiteurs spécifiques de recapture de la sérotonine (ISRS)

Les ISRS prescrits en France sont au nombre de six : la sertraline, la fluoxétine, la fluvoxamine, l’escitalopram, le citalopram et la paroxétine. Ils sont prescrits en première intention dans le traitement du trouble dépressif et du trouble anxieux lorsqu’un traitement médicamenteux est indiqué, du fait de leur meilleur profil de tolérance que celui des autres traitements médicamenteux contre les troubles anxieux.

Des effets secondaires, le plus souvent bénins, peuvent être observés : symptômes gastro-intestinaux (nausée, vomissement…), généralement transitoires ; apparition d’une hyponatrémie (à surveiller chez les sujets à risque) ; troubles sexuels (diminution de la libido, sécheresse vaginale, ou trouble de l’érection). L’apparition de ces effets nécessite souvent une modification du traitement. Le temps de saignement peut également être allongé par inhibition du transporteur de la sérotonine au niveau plaquettaire. Sur le plan cardiaque, certains traitements, notamment l’escitalopram, exposent au risque d’allongement de l’intervalle QT et peuvent entraîner, bien que cela soit relativement rare, des troubles du rythme cardiaque. Enfin, la plupart des ISRS, en dehors de la fluoxétine, doivent être interrompus progressivement afin de limiter le risque d’apparition d’un syndrome d’interruption brutale.

Les inhibiteurs des récepteurs de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA)

Trois IRSNA sont disponibles en France : la venlafaxine, la duloxétine et le milnacipran. La venlafaxine pourrait présenter une action sérotoninergique prédominante à des posologies faibles et une action noradrénergique prédominante à des posologies élevées. Le profil de tolérance de ces molécules est proche de celui des ISRS, mais leurs effets secondaires diffèrent : ils sont généralement attribués à leur activité noradrénergique. La surveillance de la pression artérielle est rendue nécessaire par le risque d’élévation de la pression artérielle, notamment lors de la prescription de posologies élevées de ces traitements. Leur usage n’est pas recommandé chez les patients présentant une cardiopathie instable.

Les tricycliques ou imipraminiques

Les imipraminiques disponibles dans la pharmacopée française sont l’amitriptyline, la clomipramine, la tianeptine, la dosulépine, la doxépine, l’imipramine, la maprotiline, l’amoxapine et la trimipramine. Du fait de la fréquence des effets indésirables, ces traitements ne sont pas prescrits en première intention aux patients présentant un trouble dépressif ou un trouble anxieux.Dans l’hypothèse monoaminergique, les imipraminiques inhiberaient la recapture présynaptique de la sérotonine et de la noradrénaline et diminueraient la sensibilité post-synaptique des récepteurs noradrénergiques. Des différences d’action pharmacologique sur les récepteurs monoaminergiques sont constatées entre les molécules, pouvant expliquer les particularités cliniques propres à chaque traitement. Leurs effets anticholinergiques et adrénergiques sont parfois à l’origine d’effets indésirables, tels qu’une sécheresse buccale, une dysurie, un trouble de l’accommodation, ou bien une constipation. Des effets centraux comme la confusion sont également parfois observés. Les patients rapportent relativement fréquemment des tremblements des extrémités, une hypotension orthostatique, ou une prise de poids. Un risque connu de glaucome par fermeture de l'angle ou de rétention urinaire liée à une pathologie prostatique, ou un antécédent récent d’infarctus du myocarde contre-indiquent ces médicaments.

Les IMAO

Le mode d’action biologique des IMAO serait sous-tendu par l’inhibition des enzymes mono-oxydases (MAO-A ou MAO-B), enzymes qui dégradent des monoamines cérébrales. L’inhibition de la MAO-A (qui agit de manière sélective sur la noradrénaline et la sérotonine) expliquerait en grande partie son efficacité antidépressive. Les molécules qui inhibent la MAO-A et la MAO-B sont dites non sélectives et peuvent provoquer une crise hypertensive. Cet effet secondaire est lié à l’inactivation de la MAO intestinale qui bloque le métabolisme de la tyramine en tyrosine. La tyramine en excès déplace la noradrénaline de ses sites de stockage vers la synapse et entraîne une activation alpha-adrénergique pouvant conduire à une crise hypertensive, potentiellement létale. La prescription de ces traitements contraint les patients à suivre un régime alimentaire strict comprenant une éviction alimentaire des aliments riches en tyramine (fromage, viande fumée, poissons fermentés…). D’autres effets secondaires sont relativement fréquents : hypotension orthostatique, céphalées, insomnies, prise de poids, troubles sexuels, œdèmes périphériques, somnolence. Enfin, les IMAO peuvent être hépatotoxiques.

En France, parmi les IMAO, seule la moclobémide, molécule sélective de la MAO-A, possède une autorisation de mise sur le marché dans le traitement de la dépression résistante. Du fait de son caractère sélectif, ce traitement ne requiert pas de régime particulier et présente moins d’effets indésirables, en dehors de céphalées, vertiges, nausées et insomnie occasionnelles, et moins d’interactions médicamenteuses. Du fait de leur profil de tolérance défavorable, les IMAO ne sont pas prescrits en première intention. Ils gardent néanmoins une place non négligeable dans le traitement de la dépression résistante.

Les autres antidépresseurs

D’autres molécules sont disponibles pour le traitement de la dépression. La mirtazapine possède une activité antagoniste des récepteurs 5-HT2 et 5-HT3, et des récepteurs alpha-2 adrénergiques. La miansérine présente un effet alpha-2 antagoniste présynaptique et inhibe plus faiblement la recapture de la noradrénaline. Cette molécule est contre-indiquée en cas d’insuffisance hépatique sévère. Ces deux traitements possèdent une action anxiolytique et sédative et un effet régulateur du sommeil.L’agomélatine présente une action agoniste des récepteurs à la mélatonine MT1 et MT2 et une action antagoniste des récepteurs 5-HT2C. Cette molécule est généralement bien tolérée, a peu d’interaction avec les autres médicaments et n’entraîne pas de syndrome d’interruption brutale. La vortioxetine, considérée comme un antidépresseur « multimodal » du fait de son action sur de nombreux récepteurs sérotoninergiques fait également partie de la pharmacopée antidépressive.Enfin, la kétamine, ayant un rôle d'antagoniste non compétitif des récepteurs glutamatergiques de type N-methyl-D-aspartate (NMDA), produit classiquement utilisé comme agent anesthésique, apparaît comme une thérapeutique prometteuse dans le traitement de la dépression caractérisée résistante, notamment chez des patients présentant une contre-indication ou une résistance à la sismothérapie, ou qui n'ont pas d'autre alternative thérapeutique.

Utilisation clinique des antidépresseurs

Les antidépresseurs sont indiqués dans le trouble dépressif : ils permettent de traiter l’épisode dépressif caractérisé, de prévenir la récurrence, et de traiter le trouble dépressif persistant. Ils sont également efficaces dans le traitement des troubles anxieux (trouble anxieux généralisé, trouble obsessionnel et compulsif, phobie sociale, trouble panique, etc.) ainsi que dans l’état de stress post-traumatique.

L’efficacité de l’antidépresseur est corrélée à l’intensité des symptômes dépressifs. Les épisodes dépressifs d’intensité faible ne relèvent pas d’un traitement antidépresseur, mais plutôt d’une prise en charge psychothérapeutique. Pour soigner le trouble dépressif et les troubles anxieux, les ISRS sont généralement préférés du fait de leur meilleure tolérance. Le délai d’action est en principe de quelques jours à quatre semaines dans la dépression ; il peut être plus élevé chez les sujets âgés et souffrant de troubles anxieux. La durée du traitement d’un épisode dépressif caractérisé d’intensité modérée à sévère est d’au moins six mois, en cas de premier épisode. En effet, l’interruption trop rapide du traitement après l’obtention d’une réponse thérapeutique expose à un risque élevé de rechute. La poursuite du traitement au moins six mois après la phase aiguë diminue ce risque de moitié. En cas de risque élevé de récurrence, la poursuite du traitement au long cours peut être recommandée. L’un des intérêts majeurs des antidépresseurs est de réduire le risque suicidaire, comme l’ont démontré de nombreuses études. Outre la dépression et l’anxiété, ces médicaments peuvent être également indiqués dans d’autres situations cliniques : douleurs neuropathiques, syndrome prémenstruel, énurésie nocturne de l’enfant, troubles du comportement alimentaire, ou encore syndrome du côlon irritable.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Certaines études ont suggéré que les antidépresseurs auraient des effets neuroprotecteurs, c'est-à-dire qu'ils pourraient protéger les neurones d’un vieillissement accéléré tel qu’observé dans les pathologies neurodégénératives.

Enfin, de nombreux travaux menés à partir de 2020 ont permis de mettre en évidence des propriétés antivirales et anti-inflammatoires de certains antidépresseurs, sous-tendues par la modification de la teneur en lipides des membranes cellulaires.

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur des Universités - praticien hospitalier (PU-PH), psychiatre, groupe hospitalo-universitaire AP-HP.Centre-université Paris Cité, hôpital Corentin-Celton, Institut de psychiatrie et neurosciences, Inserm 1266
  • : praticien hospitalier (PH), psychiatre, groupe hospitalo-universitaire AP-HP.Centre-université Paris Cité, hôpital Corentin-Celton

Classification

Autres références

  • ABRÉACTION

    • Écrit par
    • 419 mots

    Terme utilisé en psychiatrie et en psychothérapie et qui traduit l'allemand Abreagiren, mot inconnu sans doute avant Breuer et Freud. Dans le sens le plus général, l'abréaction désigne toute décharge émotionnelle qui permet à un sujet d'extérioriser un affect lié à un souvenir traumatique...

  • ANALEPTIQUES

    • Écrit par
    • 190 mots

    Drogues qui ont une action stimulante sur le fonctionnement des différents appareils de l'organisme. Les plus connus des analeptiques sont ceux qui agissent sur le système cardio-vasculaire et ceux qui agissent sur le système nerveux (psycho-analeptiques).

    Les analeptiques cardio-vasculaires...

  • BARBITURIQUES

    • Écrit par
    • 1 037 mots

    Composés organiques dérivant de la malonylurée improprement appelée acide barbiturique en raison de la forme de ses cristaux « semblables à une lyre » (barbitos), les barbituriques constituent un groupe homogène tant sur le plan chimique que sur le plan pharmacologique. Leur action...

  • DELAY JEAN (1907-1987)

    • Écrit par
    • 1 038 mots

    De sa naissance à Bayonne le 14 novembre 1907 jusqu'à sa tétralogie généalogique Avant mémoire, en passant par l'Académie de médecine et l'Académie francaise, chaque moment de la vie de Jean Delay a fait l'objet d'enquêtes, de réflexions, et tout n'a suscité qu'admiration. Delay a-t-il pu...

  • Afficher les 11 références

Voir aussi