PSYCHOPHARMACOLOGIE
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Stabilisateurs de l’humeur
Définition
Trois familles de psychotropes ont des effets stabilisateurs de l’humeur et sont indiquées dans le trouble bipolaire : les sels de lithium, les antiépileptiques et les antipsychotiques. Un stabilisateur de l'humeur idéal est efficace dans le traitement des épisodes maniaques et dépressifs survenant dans le cadre d’un trouble bipolaire, et dans la prévention des récidives. En pratique, seuls le lithium et la quétiapine présenteraient cette triple efficacité antidépressive, antimaniaque et préventive des rechutes. Le lithium est considéré par la plupart des sociétés savantes comme le traitement de référence du trouble bipolaire.
Les cibles biologiques connues des médicaments stabilisateurs de l'humeur comprennent la glycogène synthase kinase-3 (GSK-3), la voie des phosphoinositides et la protéine kinase C (PKC), le facteur neurotrophique BDNF (brain-derivedneurotrophicfactor) et les histones désacétylases (HDAC).
Le lithium
La plupart des sociétés savantes recommandent la prescription du lithium en première intention dans le trouble bipolaire à visée antimaniaque et dans la prévention des récurrences dépressives et maniaques, hors contre-indications. Celles-ci comprennent notamment l’insuffisance cardiaque, la maladie d’Addison et le syndrome de Brugada.
L’activité antidépressive du lithium reste discutée, mais du fait de son efficacité prophylactique, anti-impulsive et antisuicidaire, il est fréquemment recommandé en première intention dans la dépression bipolaire. Ce traitement est également indiqué dans la prévention des épisodes dépressifs chez les patients présentant un trouble unipolaire et dans le traitement d’un épisode dépressif caractérisé résistant.
Le lithium est instauré après un bilan préthérapeutique, comprenant un examen clinique, un électrocardiogramme (ECG), un bilan sanguin (ionogramme sanguin, fonction rénale, bilan thyroïdien, glycémie, calcémie et bêta-hCG chez les femmes en âge de procréer) et la recherche d’une protéinurie des 24 heures. Chez les femmes enceintes, ce traitement doit être évité ou faire l’objet d’une surveillance rapprochée en raison du risque tératogène, notamment cardiaque. Par ailleurs, il contre-indique généralement l’allaitement.
Les posologies du lithium sont augmentées régulièrement jusqu’à l’obtention chez la personne d’une concentration plasmatique stable dans un intervalle thérapeutique défini notamment par le type de traitement (libération immédiate ou prolongée) et l’âge. La surveillance clinique et biologique de ce traitement comprend un ECG, un ionogramme sanguin, un hémogramme, une mesure de la TSH (pour thyroidstimulatinghormon) et de la calcémie afin de diagnostiquer une hypothyroïdie et une hyperparathyroïdie pouvant être induites par le traitement, ainsi qu’une surveillance de la fonction rénale du fait du risque de diabète insipide néphrogénique ou de néphrite tubulo-interstitielle. Le régime sans sel est contre-indiqué, de même que la prise concomitante de certains traitements – tels que les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les diurétiques de l’anse, les thiazidiques et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion – en raison du risque de surdosage du lithium. Les signes de surdosage, souvent corrélés à la lithiémie, comprennent des nausées, des tremblements, une soif, des troubles de l’équilibre, voire des convulsions ou un coma.
Les anticonvulsivants (ou antiépileptiques) thymorégulateurs
Trois antiépileptiques sont considérés comme des stabilisateurs de l’humeur : le divalproate, la lamotrigine et la carbamazépine.
Le divalproate
Le divalproate peut être prescrit dans le traitement de l’épisode maniaque, notamment en cas de manie secondaire à une pathologie non psychiatrique ou liée à la prise de toxiques. Il est également indiqué dans la prévention des rechutes d’un trouble bipolaire chez les patients ayant répondu favorablement à ce médicament lors de l'épisode aigu. Le divalproate n’a pas d’efficacité sur la phase dépressive et apparaît moins pertinent que le lithium dans la prévention des rechutes. Son mode d’action est lié à l’inhibition des canaux sodiques voltage-dépendants et au renforcement de la voie GABAergique. Il est contre-indiqué notamment chez les femmes en âge de procréer et les sujets présentant une hépatite aiguë ou chronique, une porphyrie hépatique, un trouble connu du cycle de l’urée, ou certaines pathologies mitochondriales. Le bilan préthérapeutique repose sur la réalisation d’un examen clinique et d’un bilan biologique, comprenant un bilan hépatique, un hémogramme et un bilan de coagulation.
Dans les six premiers mois du traitement, la fonction hépatique doit être surveillée régulièrement. Des effets neurologiques peuvent survenir, à type de sédation, céphalées et vertiges. La survenue de symptômes gastro-intestinaux bénins est fréquemment rapportée, une alopécie également. Sur le plan hématologique, des troubles de la coagulation et une baisse des plaquettes peuvent être observés. Le divalproate peut entraîner une hépatotoxicité et des atteintes pancréatiques. Des cas d’encéphalopathie ont été rapportés, parfois associés à une hyperammoniémie. Le divalproate est métabolisé principalement par le foie et peut interagir notamment avec l’aspirine, la lamotrigine et la carbamazépine. Ce traitement expose à des effets tératogènes. Il est donc contre-indiqué chez les femmes enceintes et chez les femmes en âge de procréer n’utilisant pas de contraceptifs.
La carbamazépine
Dans le cadre des troubles bipolaires, la carbamazépine est indiquée dans la prévention des rechutes, notamment chez les patients présentant une résistance au traitement, une contre-indication ou une intolérance au lithium, un trouble bipolaire à cycles rapides, ou dans le traitement des états d’excitation maniaque ou hypomaniaque.
Ce traitement possède un profil de tolérance moins favorable que le divalproate, limitant son indication en première intention. Il expose notamment au risque d’interactions médicamenteuses du fait de son effet d’induction enzymatique du cytochrome P450, et peut s’accompagner d’effets secondaires neurologiques à type d’ataxie, de sensations vertigineuses et de somnolence.
La lamotrigine
La lamotrigine est efficace pour réduire les épisodes dépressifs chez les patients présentant un trouble bipolaire de type I et qui ont une prédominance d’épisodes dépressifs. Ce traitement est généralement bien toléré, mais il existe un risque d’éruptions cutanées graves. Ce risque semble être influencé par la posologie initiale prescrite et un schéma d’instauration très progressive du traitement permet de le réduire.
Les antipsychotiques thymorégulateurs
Quatre antipsychotiques atypiques sont utilisés comme stabilisateurs de l’humeur : la quétiapine, la rispéridone, l’aripiprazole et l’olanzapine. Leur utilisation dans le traitement du trouble bipolaire a fortement augmenté au début du xxie siècle, en raison notamment de leur facilité de prescription et de surveillance par rapport au lithium. Les effets secondaires métaboliques doivent toutefois être pris en compte lors de la décision thérapeutique. La quétiapine, notamment, a démontré une efficacité dans les épisodes de dépression bipolaire, de manie, et dans la prévention des récurrences.
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Écrit par
- Nicolas HOERTEL : professeur des Universités - praticien hospitalier (PU-PH), psychiatre, groupe hospitalo-universitaire AP-HP.Centre-université Paris Cité, hôpital Corentin-Celton, Institut de psychiatrie et neurosciences, Inserm 1266
- Pierre LAVAUD : praticien hospitalier (PH), psychiatre, groupe hospitalo-universitaire AP-HP.Centre-université Paris Cité, hôpital Corentin-Celton
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Voir aussi
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- ANTIDÉPRESSEURS
- CHLORPROMAZINE
- ANTIPSYCHOTIQUES
- PSYCHOTROPES
- IMAO (inhibiteur de la monoamine oxydase)
- IMIPRAMINE
- SCHIZOPHRÉNIE
- PSYCHOSE
- DÉPRESSIFS ÉTATS ou DÉPRESSIONS NERVEUSES
- DÉPENDANCE, toxicologie
- ANTIÉPILEPTIQUES
- SOMMEIL TROUBLES DU
- NORADRÉNALINE
- NEUROMÉDIATEURS ou NEUROTRANSMETTEURS
- ANXIOLYTIQUES
- DYSKINÉSIES
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- TORSADE DE POINTE, cardiologie
- ANXIÉTÉ
- RÉCEPTEUR, biochimie
- EFFETS SECONDAIRES, pharmacologie