- 1. Perspective historique sur la place des émotions en psychothérapie
- 2. Les postulats des psychothérapies centrées sur l’émotion
- 3. Les émotions dans les modèles étiopsychopathologiques et dans la conceptualisation de cas
- 4. Les interventions psychothérapeutiques par et sur l’émotion
- 5. Bibliographie
PSYCHOTHÉRAPIE ET ÉMOTION
Les émotions dans les modèles étiopsychopathologiques et dans la conceptualisation de cas
Les phénomènes émotionnels émanent d’un ensemble de processus que l’on retrouve également dans les troubles psychopathologiques. L’émotion dirige automatiquement l’attention vers ce qui est pertinent pour elle. Ces biais attentionnels sont particulièrement accentués dans de nombreux troubles psychopathologiques : l’attention est automatiquement dirigée vers l’objet, la préoccupation de la pathologie. Par exemple, dans l’anxiété, l’attention est automatiquement dirigée vers tout signe de menace potentielle. L’individu anxieux éprouve également des difficultés à désengager son attention de ces stimuli. Ce biais attentionnel provoque une sensibilisation à la menace et participe au maintien de l’anxiété. Dans les années 2010, des interventions ciblant la correction de ces biais ont été proposées.
L’émotion résulte d’une attribution de signification à une situation, un événement, en rapport avec les buts et les valeurs de l’individu. On peut percevoir qu’un événement est positif ou négatif, qu’il vient favoriser ou, au contraire, faire obstacle à un but poursuivi. Face à ce constat, l’individu peut percevoir qu’il a, ou n’a pas, les moyens de faire face à la situation ou d’en tirer parti. Il peut aussi ressentir une correspondance ou une discordance par rapport à ses valeurs ou aux normes sociales. L’émotion ressentie (joie, colère, peur, tristesse, honte, culpabilité, etc.) résulte directement de l’évaluation qui est faite. Dans une situation psychologique problématique, il est souvent difficile d’identifier l’enjeu profond, en d’autres mots, la signification émotionnelle de la situation pour l’individu, en termes de rapport avec ses buts, valeurs et rôles investis. Les thérapies émotionnelles ont développé des interventions pour mettre en évidence la nature de l’émotion impliquée dans une difficulté. De plus, la psychopathologie est souvent marquée par des distorsions de jugement et d’évaluation. Par exemple, une personne déprimée présente une autoévaluation très dénigrante et négative. Un ensemble d’interventions psychothérapeutiques cognitives et métacognitives a été développé pour corriger ces distorsions.
L’émotion prépare à l’action et induit certains comportements. En psychopathologie, on peut souvent constater que les comportements automatiquement induits par l’émotion peuvent venir la réalimenter. Ainsi, la détresse émotionnelle peut susciter l’envie de consommer de l’alcool. En un premier temps, l’alcool aura un effet euphorisant et anxiolytique. Cependant, en un second temps, l’alcool aura un effet dépressogène qui engendrera de la détresse émotionnelle.
L’émotion induit des changements physiologiques qui préparent ou soutiennent l’action. Souvent, ces changements ne sont pas perçus, sauf quand ils sont particulièrement intenses. Ils sont pourtant un excellent signal qu’une émotion est présente, notre corps, par les sensations corporelles, étant la caisse de résonance de nos émotions. La psychothérapie des émotions est donc très attentive à développer la perception des premiers signes corporels de l’émotion. Cependant, en ce début de xxie siècle, beaucoup de situations émotionnelles ne requièrent pas d’action physique nécessitant cette mobilisation physiologique. Dans certains cas, ces changements physiologiques deviennent source de stress et viennent réalimenter l’émotion. Par exemple, l’anxiété augmente le volume respiratoire. Si aucune action n’est requise, cette réaction automatique génère un phénomène d’hyperventilation qui peut s’autoalimenter, s’amplifier et donner lieu à d’importants symptômes physiques et à une détresse paroxystique. Les thérapies émotionnelles ont ainsi développé de multiples techniques pour réguler les réponses émotionnelles, comme[...]
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Écrit par
- Pierre PHILIPPOT : professeur ordinaire, université catholique de Louvain (Belgique)
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