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PULSION

L'opposition de l'animal et de l'homme était traditionnellement fondée sur celle de l' instinct et de l'intelligence, l'activité mécanique biologiquement déterminée servant de repoussoir à la valorisation de l'abstraction intellectuelle et de la liberté. À cette représentation de l'homme, Freud porte atteinte par le concept de pulsion comme fonds originaire du développement humain qu'il marque par son ancrage dans le corps et qu'il désigne comme source de tous les progrès ultérieurs. Un premier problème se pose : celui de la relation entre l'instinct et la pulsion. L'étude de cette relation s'éclairera par l'analyse du schéma conceptuel de la pulsion, laquelle apparaîtra alors comme montée à la manière d'un appareil, mais de telle sorte qu'on saisisse mieux comment ses pièces ou ses éléments constitutifs sont susceptibles d'une certaine indépendance de fonctionnement tout en demeurant interdépendants. La solidarité ne se fondera plus sur un acte à accomplir qui soumet le montage à un déroulement fixe, mais sur ce qui maintient le rapport des rouages entre eux à travers une exigence de travail qui présidera aux transformations de la pulsion. Cette diversité de fonctionnement, si elle témoigne à l'origine d'une fragmentation des activités pulsionnelles, appelle ultérieurement leur unification. Un tel rassemblement montre que ce qui se présente sous une forme semblant aller de soi, comme dans la sexualité adulte, est le fruit d'un développement capable d'arrêts, de déviations, ainsi que nous l'apprennent les perversions, qui éclairent en retour le parcours de la sexualité normale. Toutes ces formes déviées de leur cours habituel indiquent que les pulsions partielles peuvent se transformer, avant leur confluence dans la génitalité, les unes dans les autres.

Ces transformations ne doivent pas donner l'image d'un système de permutations infinies qui serait seulement borné par la notion d'une évolution plus ou moins idéale. Le regroupement ne s'opère que pour mieux faire ressortir une division fondamentale, un conflit de deux grands groupes pulsionnels : conflit qui est susceptible de moments d'alliance et de mixage, mais demeure fondé sur un antagonisme irréductible. Le principe de ces regroupements sera néanmoins difficile à cerner, qui amènera Freud à varier sur l'individualisation du facteur « antisexuel » : il sera conçu d'abord comme extérieur à la sexualité (l'autoconservation), ensuite comme concurrent à l'intérieur de la sexualité (opposition du moi et de l'objet), enfin comme radicalement opposé à l'émergence de la pulsion sexuelle, dans la tendance au retour au zéro de la pulsion de mort. Cette dernière formulation par Freud de la théorie des pulsions a mis les psychanalystes devant l'énigme d'une contradiction sur laquelle ils se posent encore beaucoup de questions : comment une poussée active peut-elle aspirer à son propre anéantissement ?

Instinct et pulsion

Les raisons qui conduisent à examiner la problématique des rapports entre instinct et pulsion sont doubles. Les unes sont dues à une ambiguïté terminologique, sans correspondance en français, de l'allemand qui admet deux termes : Instinkt, d'origine latine, et Trieb, d'origine germanique. Les autres tiennent au fait que le champ de la psychanalyse s'est constitué dans le domaine de la sexualité, qui avait été comprise avant Freud comme l'expression de l'« instinct sexuel » selon une conception restrictive qui liait celui-ci à la génitalité. Or Freud fait éclater ce cadre restreint de l'instinct et préfère, dans l'ordre des concepts directeurs, le terme qui privilégie un des aspects de l'Instinkt jugé par lui le plus essentiel dans l'organisation[...]

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Écrit par

  • : psychanalyste, ancien chef de clinique à la faculté de médecine de Paris, membre de la Société psychanalytique de Paris

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